Bombardier (T.BBD.B) est en train d'accomplir, discrètement, quelque chose d'assez inusité dans l'industrie aéronautique: mettre au point un appareil selon l'échéancier prévu.

Bombardier [[|ticker sym='T.BBD.B'|]] est en train d'accomplir, discrètement, quelque chose d'assez inusité dans l'industrie aéronautique: mettre au point un appareil selon l'échéancier prévu.

Alors que l'A380 d'Airbus, le Dreamliner de Boeing et le Superjet de la société russe Sukhoi ont connu des retards importants, le CRJ1000, le plus gros appareil conçu jusqu'ici par Bombardier, devrait effectuer son premier vol cet été comme prévu. Les premières livraisons devraient avoir lieu à la fin de 2009.

«Nous sommes exactement dans les temps, lance Jean-Guy Blondin, directeur du programme des biréacteurs régionaux, dans une entrevue avec La Presse Affaires. Nous avons terminé la fabrication du prototype, il est dans l'usine de Mirabel, nous faisons les derniers ajustements. Nous allons voler cet été.»

Un rythme

Il explique que Bombardier a maintenant l'habitude de lancer des appareils à un rythme soutenu; il en a lancé 24 depuis 1989. «C'est sûr, c'est plus facile avec un dérivé», admet-il.

Le CRJ1000, un appareil de 100 places, est en effet une version allongée du CRJ900, un appareil de 86 places. Et encore, le CRJ900 est une version allongée du CRJ700, lui même une version allongé du CRJ200, un appareil de 50 places.

Des techniques

Le rallongement d'un appareil est un peu plus complexe qu'il n'y paraît. L'allongement du fuselage lui-même pour ajouter trois rangées de sièges a été relativement simple, techniquement parlant, mais il a quand même fallu refaire tous les dessins techniques du fuselage et revoir le degré de stress auquel il sera soumis, un boulot qui aura occupé 250 ingénieurs à l'usine Shorts de Bombardier, à Belfast.

M. Blondin raconte que pour tenir compte du poids supplémentaire de l'appareil, il a fallu augmenter de façon importante la surface des ailes du CRJ900, un travail beaucoup plus complexe. Les ingénieurs ont d'abord augmenté d'environ 60 centimètres la longueur de chaque aile. Puis, il a fallu augmenter la superficie des ailerons et des volets à l'arrière des ailes.

Il a aussi fallu renforcer le train d'atterrissage. Par bonheur, les ingénieurs ont réalisé qu'ils pouvaient utiliser les mêmes pièces forgées pour la jambe du train et qu'il suffisait d'enlever un peu moins de matériel pour obtenir des pièces plus solides.

«En raison de notre échéancier serré, nous n'aurions pas eu le temps d'obtenir des pièces forgées de dimensions différentes», soutient M. Blondin.

Les roues et les pneus du train d'atterrissage du CRJ1000 sont plus grosses que ceux du CRJ900, notamment parce que Bombardier a adopté des freins en carbone.

«Nous profitons de l'occasion pour faire quelques ajustements et faire évoluer les systèmes de l'avion», indique le responsable du programme CRJ. C'est ainsi que Bombardier a décidé d'installer un système de commandes de vol électronique (fly-by-wire) pour le gouvernail de direction du CRJ1000, au lieu du bon vieux système électro-hydraulique.

«Nous remplaçons l'aspect mécanique, les câbles et les poulies, par un système électronique et du filage, note M. Blondin. Ça va réduire le poids et augmentera la fiabilité de l'appareil.»

Le même moteur

Le CRJ1000 utilisera toutefois le même moteur que le CRJ900, le CF34 de General Electric. GE a proposé à Bombardier des matériaux plus sophistiqués pour l'enveloppe du moteur afin qu'il résiste à des températures plus élevées, compte tenu du fait que le moteur du CRJ1000 «travaillera plus fort» que celui de son petit frère.

Bombardier aura investi 300 millions US dans le développement du CRJ1000, une somme importante, mais tout de même beaucoup moins élevée que l'investissement de 2,6 milliards US pour la CSeries. Pas moins de 450 ingénieurs ont travaillé au projet.

Bombardier a commencé à se pencher sérieusement sur le projet de version allongée du CRJ900 au début de 2006, immédiatement après avoir mis de côté la CSeries. Les responsables du CRJ1000 ont pu mettre la main sur les ingénieurs qui devaient abandonner la CSeries.

Maintenant que l'essentiel du design du CRJ1000 est terminé, les ingénieurs peuvent retourner travailler à la CSeries, qui reprend son envol.

«Le timing est excellent», commente M. Blondin, avant d'expliquer qu'il est important de bien gérer les ressources en ingénierie.

«Nous ne pouvons pas mener quatre programmes de front, affirme-t-il. Il faut que les programmes se complètent et se suivent de façon séquentielle.»

Jusqu'ici, quatre clients ont passé des commandes fermes pour 39 appareils CRJ1000, soit Brit Air, une filiale d'Air France, la société italienne My Way, le transporteur slovène Adria et un client qui n'a pas voulu être identifié.