La compagnie torontoise SkyPower a écrit hier le chapitre final de l'aventure Terravents dans la MRC de Rivière-du-Loup.

La compagnie torontoise SkyPower a écrit hier le chapitre final de l'aventure Terravents dans la MRC de Rivière-du-Loup.

Sous une pluie battante, devant une vingtaine de manifestants médusés, cinq camions ont commencé le chargement des 134 éoliennes entreposées depuis deux ans dans le parc industriel. Destination : l'Ontario.

«C'est dommage. SkyPower, c'était la crème. Le projet était accepté socialement par tous, incluant la MRC», lance Patrick Gagnon de Saint-Arsène, qui aurait accueilli sur ses terres quatre éoliennes qui lui auraient rapporté 10 000 $ par année.

Si plusieurs semblent maintenant aduler SkyPower, ce fut loin d'être toujours le cas. Après avoir accueilli avec enthousiasme en 2004 ce projet, qui visait à ériger le plus important parc éolien au Canada, alors évalué à 300 millions $, le milieu avait déchanté.

Les premières esquisses plaçaient les éoliennes très près du fleuve, déguisant, aux yeux de plusieurs, les paysages. La MRC avait obligé les promoteurs à refaire leurs devoirs en adoptant un règlement de contrôle intérimaire qui interdisait, entre autres, l'érection d'éolienne à moins de quatre kilomètres du fleuve. Le dialogue ayant repris, le projet avait dû être revu au moins trois fois.

Les audiences du BAPE ont été ardues, mais la version finale de Terravents avait été approuvée. Alors pourquoi décider d'abandonner?

Si SkyPower refuse de commenter, il appert que ce projet n'était plus rentable. Le prix moyen concédé aux promoteurs de projets éoliens lors du récent appel d'offres d'Hydro-Québec est de 10,5 ¢ du kWh, alors que le prix négocié de gré à gré entre SkyPower et la société d'État en 2004 n'était que de 5,7 ¢ du kWh.

Des nombreuses modifications apportées à l'ébauche initiale de Terravents, notamment au nombre d'éoliennes, passé de 134 à 114 (de 201 à 167 mégawatts), ont découlé des coûts de construction plus élevés et de l'obligation d'ériger dans des secteurs où le vent souffle moins fort, donc à moindre rendement. Les coûts associés à sa réalisation dépassaient maintenant les 400 millions $.

Hier, alors que les manifestants disposaient de la machinerie afin de retarder le départ des nacelles, l'inquiétude était palpable. «Une décision politique doit être prise pour que le projet devienne rentable. La manifestation prouve que les gens le veulent», a dit le directeur général de la Chambre de commerce de Rivière-du-Loup, Pierre Levesque.

«Si nous laissons sortir les éoliennes, il n'y aura plus de retombées économiques. Des projets de cette envergure, il n'y en aura peut-être plus jamais», poursuit Richard Plourde, propriétaire du restaurant de Saint-Épiphane.

«Je ne comprends pas ce qui se passe, qu'il n'y ait pas eu de communication entre SkyPower et les élus. Partir de cette manière, sans avertir personne, démontre un non-respect de la population. J'appelle ça se sauver à l'anglaise», lance le maire de Saint-Épiphane, Jean-Pierre Gratton.

Sa municipalité aurait accueilli une trentaine d'éoliennes, pour des redevances annuelles de 50 000 $. «Cest important pour une municipalité dont le budget total est de 1 million $.»

S'ils ont été accusés de tous les péchés du monde et souvent cités comme l'exemple à ne pas suivre, il faut admettre que SkyPower aura tout tenté pour mener ce projet à terme. La société d'État ne semblant pas intéressée à rouvrir l'entente de 2004, il ne restait plus qu'à remballer l'équipement, qui servira à d'autres projets, hors Québec.

Le projet aura finalement déplacé beaucoup d'air, sans jamais que celui-ci ne fasse tourner les pales d'une seule éolienne. Le déménagement de l'équipement prendra encore quelques jours.

Hydro réagit

Hydro-Québec distribution affirme n'avoir eu aucune demande de SkyPower visant à renégocier l'entente de 2004 et à rajuster les tarifs acceptés alors.

Selon Marc-Bryan Chamberland, la société d'État n'a eu aucune communication avec les responsables de SkyPower depuis plusieurs semaines.

«La dernière fois que nous nous sommes parlé, le projet allait de l'avant», dit-il, ajoutant ne pouvoir élaborer plus en détail sur le contenu du contrat signé de gré à gré, qui «doit demeurer confidentiel à la demande même de l'entreprise», conclut M. Chamberland, qui n'a pas voulu dire si Hydro serait ouvert à une réouverture de l'entente.

Les éoliennes ayant commencé à quitter Rivière-du-Loup, il est de toute manière peu probable qu'une demande soit faite en ce sens.