Shermag (T.SMG) est non seulement insolvable, elle est un «dégât bien pire que ce que nous avions jamais imaginé», une firme qui a été «incroyablement» mal gérée durant les dernières années et dont le «nettoyage» exigera des efforts soutenus.

Shermag [[|ticker sym='T.SMG'|]] est non seulement insolvable, elle est un «dégât bien pire que ce que nous avions jamais imaginé», une firme qui a été «incroyablement» mal gérée durant les dernières années et dont le «nettoyage» exigera des efforts soutenus.

Voilà le diagnostic du financier George Armoyan, président du holding Clarke [[|ticker sym='T.CKI'|]], qui siège depuis six mois au conseil d'administration du fabricant de meubles de Sherbrooke.

Clarke est le principal actionnaire de Shermag avec une participation de 20%, acquise l'an dernier. Son modèle d'affaires est d'investir dans des firmes en détresse et de les redresser.

Shermag, qui vient de fermer deux usines, s'est placé lundi dernier sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers. Cela donne un répit à Shermag, sous la supervision de la cour, pour faire une proposition à ses créanciers.

Malgré la concurrence chinoise et l'effondrement du marché américain du meuble, M. Armoyan affirme qu'une Shermag émondée et restructurée peut redevenir rentable «à condition que les créanciers et tout le monde agissent raisonnablement».

À condition, aussi, que les actionnaires acceptent - après la restructuration - que Shermag se retire de la Bourse et ferme son capital, dit M. Armoyan en entrevue à La Presse Affaires.

Clarke a tenté, en vain, de racheter les parts des autres actionnaires de Shermag le 7 avril, quand l'action était à 39 cents à la Bourse.

L'offre était «raisonnablement» escomptée du cours moyen de l'action à cette période, dit M. Armoyan. L'offre a été refusée.

Le 16 avril dernier, la banque Wachovia a coupé de moitié (à 12,5 millions) la marge de crédit de Shermag, qui s'est retrouvée avec une marge dépassée (à 13,8 millions), sans compter un emprunt de 8,2 millions et 11,7 millions en factures impayées.

L'action de Shermag oscille maintenant autour de 14 cents.

Clarke entend réexaminer le retrait de la Bourse avec les autres actionnaires, pendant ou après la démarche actuelle avec les créanciers. Shermag est seulement le deuxième redressement où Clarke juge nécessaire de fermer le capital, affirme M. Armoyan.

«Je ne pensais pas qu'autant de gens seraient choqués par notre offre de rachat pour privatiser Shermag. C'est comme s'ils avaient cru qu'on voulait voler la compagnie. En fait, on fait ça pour la sauver.»

La cote boursière

«Le coût annuel de maintenir une cote en Bourse, c'est autour d'un million. Si votre compagnie vaut juste 10 ou 15 millions, pourquoi êtes-vous en Bourse? Ça n'a pas de sens.»

De toute façon, Shermag est un cas lourd, dit-il, qui se redressera mieux «dans un contexte privé», pas sous les projecteurs de la Bourse.

Après six mois au conseil, M. Armoyan estime que l'expertise en design et en fabrication de Shermag, de même que sa marque, ont une grande valeur. Mais «c'est la compagnie la plus mal gérée que j'ai vue de toute ma vie», dit-il.

«Un gâchis!» Il ajoute que son équipe découvre «problème, après problème, après problème« depuis trois ou quatre mois.

«Chaque fois qu'on retourne une pierre, on trouve un nouveau problème.»

Il n'aime pas certains contrats de services et il veut une refonte complète de la gestion des stocks.

«Si on avait réussi à privatiser la compagnie (en avril), on aurait quand même demandé la protection de la cour, parce qu'il faut nettoyer la compagnie de son passif éventuel», dit-il en employant le terme comptable qui décrit les charges futures incertaines: «Il y a quelques poursuites d'ex-employés, il y a des baux sur des propriétés qui n'étaient pas nécessaires On a un contrat avec des gens, en Chine, on n'a pas la moindre idée de qui ils sont, ils se sont fait payer 6% en commission sur des trucs qu'on achète en Chine. On ne sait pas pourquoi: on achète déjà du manufacturier, on a un bureau là-bas.»

M. Armoyan espère qu'au terme de la proposition concordataire aux créanciers, tout ce passif éventuel sera «cristallisé» et que Shermag saura à quoi s'en tenir.

Évaluation

Le syndic RSM-Richter évalue à 2,5 millions le passif éventuel des poursuites intentées par d'anciens employés. La plus récente est celle de l'ancien président, Jeff Casselman, qui réclame 1,1 million à Shermag.

M. Casselman a démissionné le 19 novembre 2007, six semaines seulement après l'arrivée de M. Armoyan au conseil.

Le président du conseil de Shermag, Claude Pichette, n'a pas voulu commenter l'évaluation que fait M. Armoyan de l'ancienne direction. Mais il a rappelé la dureté de la concurrence chinoise et l'hécatombe des débiteurs immobiliers américains.

Dans ce contexte empoisonné, un nombre effarant de fabricants de meubles ont fermé leurs portes en Amérique du Nord. Si c'est un problème de gestion, ça fait beaucoup de dirigeants à blâmer, dit M. Pichette.

Malgré deux appels logés auprès de son avocat, La Presse Affaires n'a pu joindre M. Casselman pour recueillir ses commentaires.