Au Québec, ça peut être difficile d'investir presque 2 milliards en région. Parlez-en à Alcoa (AA), qui veut agrandir son usine de Deschambault depuis des années.

Au Québec, ça peut être difficile d'investir presque 2 milliards en région. Parlez-en à Alcoa [[|ticker sym='AA'|]], qui veut agrandir son usine de Deschambault depuis des années.

La baisse brutale du prix de l'aluminium sur le marché international force l'entreprise à réviser ses projets jugés non stratégiques, ce qui exclut ses usines du Québec, du moins à court terme.

L'usine est gigantesque, mais on ne la voit ni du village au bord du fleuve ni de l'autoroute 40 qui tranche les terres fertiles de la région de Portneuf. À sa construction au coût de 1 milliard, en 1989, son expansion avait déjà été prévue, comme c'est souvent le cas avec des investissements de cette importance.

Presque 20 plus tard, la région attend toujours l'agrandissement. Ou plutôt la décision du gouvernement du Québec d'accorder à Alcoa les 500 mégawatts d'électricité supplémentaires qui lui permettraient de doubler la taille de son usine.

L'énergie représente 35% des coûts de production d'une aluminerie. C'est le nerf de la guerre et la raison pour laquelle Alcoa était sur les rangs en 2001 quand le gouvernement du Québec a offert un bloc de 500 mégawatts aux producteurs d'aluminium du Québec qui s'engageaient à transformer le métal brut pour créer encore plus d'emplois.

C'est Alcan, aujourd'hui propriété de Rio Tinto, qui avait alors remporté la mise.

Deux ans plus tard, le gouvernement de Bernard Landry exauçait aussi Alcoa, avant de se faire battre aux élections tenues peu après. Les libéraux de Jean Charest sont alors revenus sur l'engagement pris par le gouvernement précédent et repris le bloc d'énergie qui avait été accordé à Alcoa.

Récemment, les négociations ont repris entre Alcoa et le gouvernement. La crise forestière qui dévaste les régions du Québec et la reprise des investissements d'Hydro-Québec pour augmenter sa production n'est pas étrangère à ce changement de cap.

«La négociation se déroule normalement, dit Pierre Després, porte-parole d'Alcoa. Les enjeux sont complexes et les parties démontrent une volonté d'en arriver à une entente.»

Tout indique donc que cette fois sera la bonne. Alcoa aura droit à l'énergie qu'elle convoite, au tarif industriel en vigueur au Québec, soit autour de 4 cents le kilowattheure.

L'énergie verte et renouvelable prend de la valeur pour les alumineries, soucieuses de leur image sur le plan de l'environnement. Alcoa s'est installée en Islande à cause de ses ressources hydroélectriques et projette de construire une autre aluminerie dans ce pays qui serait alimentée cette fois à l'énergie géothermique.

À Deschambault, Alcoa veut doubler la production de son usine qui, à 250 000 tonnes, est considérée comme trop petite selon les standards actuels de l'industrie. «Sa capacité relativement modeste deviendra un facteur réduisant sa compétitivité et sa productivité», souligne le directeur de l'usine, Pierre Lapointe.

Si tout se passe comme prévu, Alcoa investira 1,6 milliard à Deschambault pour doubler sa production. L'effectif de l'usine passera de 524 à 774 employés, soit 250 emplois directs de plus. La mise en service des nouvelles installations se ferait en 2015.

Crise financière ou non, les producteurs d'aluminium voient loin, bien au-delà d'un cycle économique normal. «D'ici 2020, on estime que la demande va doubler et qu'il faudra construire 60 nouvelles alumineries dans le monde pour satisfaire cette demande», fait valoir Pierre Lapointe.

Dans la région, la cause est entendue depuis longtemps. L'expansion de l'usine doit se faire, n'en déplaise à ceux qui, dans les villes et les universités, affirment que l'électricité du Québec rapporte deux fois plus d'argent si elle était exportée plutôt que vendue pas cher aux alumineries.