Les travailleurs continuent de perdre leur emploi dans la forêt. L'éclaircie du côté de la construction américaine semble bien loin et, mardi, le premier ministre Stephen Harper n'avait pas non plus de nouvelle aide à offrir à cette industrie à bout de souffle.

Les travailleurs continuent de perdre leur emploi dans la forêt. L'éclaircie du côté de la construction américaine semble bien loin et, mardi, le premier ministre Stephen Harper n'avait pas non plus de nouvelle aide à offrir à cette industrie à bout de souffle.

Mais ce ciel sombre n'empêche pas certains de croire que la reprise est suffisamment proche pour commencer à investir dans la forêt québécoise.

Jean-Yves Cardinal travaille dans le bois depuis 37 ans. De La Chibougamau Lumber à Kruger en passant par Domtar, il en a vendu des 2 par 4.

La crise actuelle qui perdure dans la forêt québécoise, il la voit, il la sent. «Ce n'est pas la première récession que je vis et celle-là, c'est la pire», convient-il. Mais tout de suite, il ajoute: «Ça va se replacer un jour.»

Et pour profiter de la manne quand celle-ci reviendra, il place ses pions. Le groupe qu'il préside, TAG, est en voie d'acheter la scierie de Saint-Michel-des-Saints. Un groupe d'investisseurs de Toronto et lui ont paraphé une lettre d'intention pour acheter de la scierie de Louisana Pacific (LP), qui a cessé sa production en août 2006. Reste la question environnementale à régler, mais les discussions sont rendues suffisamment loin pour qu'il occupe déjà les bureaux de LP aux abords du village de 2400 âmes.

«C'est la première usine qu'on achète, mais ce n'est pas la dernière, lance-t-il, attablée à son nouveau bureau. On devrait en avoir trois ou quatre à terme... On est en train d'en finaliser une autre.»

Au moment de l'entrevue, alors que les marchés boursiers s'écrasaient, personne ne pouvait prédire avec certitude à quel moment reprendrait la construction aux États-Unis, qui sert de marché aux 2 par 4 des forêts québécoises.

Ses partenaires et lui misent sur le calendrier des optimistes, ceux qui croient que le marché reprendra à la mi-2009. Les pessimistes optent plutôt pour la mi-2010. M. Cardinal assure avoir les poches assez profondes pour faire face au pire des scénarios.

«Il faut qu'on se rende jusque là. On a budgeté des pertes pour 2009 puis on va passer à travers ça. On est bien confiants. On est des visionnaires.»

Une scierie à transformer

Déjà, des bûcherons ont commencé à récolter le bois de chablis de la forêt autour de Saint-Michel, celui que la nature a fait tomber. Les travailleurs de la scierie, par contre, sont encore chez eux. Avant que les scies ne se remettent à couper le bois, des rénovations majeures sont prévues.

Quand la scierie repartira, à la fin du printemps 2009 si tout va comme prévu, il n'y aura plus que 50 employés dans l'usine, contre 90 il y a deux ans.

En ces temps où le bois se fait plus rare dans les forêts québécoises, son groupe veut aussi augmenter de 10% la quantité de bois d'oeuvre produit avec une même quantité d'arbres. Tout ça, en produisant aux deux tiers de la catégorie "premium". «En faisant du premium, on va s'attaquer aux grandes surfaces américaines et canadiennes.»

Dans une «année médiocre», il prévoit déjà des ventes de 25 à 30 millions de dollars. Pour les bonnes années, ce sera 35 millions, croit-il.

Au Conseil de l'industrie forestière, Guy Chevrette se réjouit de voir des groupes se remettre à investir. «Tant mieux s'il y en a qui espèrent, mais il faut qu'ils se préparent à avoir les premiers symptômes de reprise à la fin de 2009.» Et celle-ci sera lente, selon lui, avec un sommet qui ne sera pas atteint avant 2012-2013.

D'ici là... «Tous les chiffres indiquent que les six prochains vont être l'enfer», rajoute M. Chevrette.

Une deuxième usine

Les négociations entre Louisiana Pacific et le groupe de Jean-Yves Cardinal ont pris une dizaine de mois, selon l'acheteur. Ce qui a prolongé les discussions, c'est le sort de l'usine de panneaux de fibre alignée qui jouxte la scierie. LP tenait à lier le sort des deux usines, selon M. Cardinal.

LP ne voulait toutefois pas, en cédant son usine, se créer un nouveau concurrent. Différents produits sont à l'étude. Les acquéreurs songent à utiliser une nouvelle essence de bois pour les panneaux, soit du cèdre.

Le hic, c'est que le cèdre disponible, il viendrait de l'Abitibi. C'est loin. Mais comme le prix du produit en cèdre est cinq fois plus élevé que celui des panneaux qui étaient fabriqués à Saint-Michel-des-Saints par LP, ça vaut au moins la peine d'étudier la question.

Autour de l'usine, de grosses chargeuses jaunes ramassent les bouts de bois laissés là quand Louisiana Pacific a plié bagage. Un grand ménage de la multinationale avant de passer la main à un nouvel acteur, beaucoup plus petit.

Jean-Yves Cardinal doit quand même être quelque peu nerveux, non? «C'est un peu comme les smarts à la Bourse, ils investissent quand les cours sont bas.»

Mais comme les derniers jours nous l'ont rappelé, encore faut-il savoir juger à quel moment le fond du baril a été atteint.

39000 emplois

Entre 2002 et 2007, 39 000 emplois du secteur forestier ont été perdus. Ils se répartissent comme suit: 25 400 dans les scieries et portes et fenêtres; 9100 dans l'exploitation et l'aménagement de la forêt et 4500 dans les pâtes et papiers. Il faut toutefois préciser que 2002 avait été une excellente année.

Source: Desjardins, Études économiques à partir de Statistique Canada

2,9%

En 2007, c'était le poids du secteur forestier dans l'économie du Québec. C'est moins que les 4,1% enregistrés cinq ans plus tôt, mais tout de même plus que le secteur du transport qui, incluant l'aéronautique, comptait pour 2,7% l'an dernier.

Source: Desjardins, Études économiques à partir de Statistique Canada

Quatre facteurs qui ont pesé lourd

La hausse du dollar canadien

La diminution des coupes forestières décrétées par Québec

La crise immobilière américaine

Une plus grande concurrence des pays émergents