Selon un proverbe turc, la patience est la clef du paradis. Pour la PME CVTech, la patience prendra la forme d'un pactole: celui du marché asiatique.

Selon un proverbe turc, la patience est la clef du paradis. Pour la PME CVTech, la patience prendra la forme d'un pactole: celui du marché asiatique.

L'entreprise de Drummondville fabriquera le système de transmission automatique qui propulsera certains modèles de la Tata, cette «voiture du peuple» à 2500$ que le constructeur indien Tata Motors a présentée au monde entier récemment au Salon de l'auto de New Delhi. Du coup, la notoriété de la PME québécoise a littéralement explosé.

«Nous étions présents en Inde quand la Tata a été dévoilée. Des entreprises de partout en Asie, qui fabriquent des scooters, des véhicules trois-roues, etc., sont venues nous voir et se sont montrées intéressées à faire affaire avec nous», explique Mario Trahan, chef des opérations financières du Groupe CVTech.

Bien sûr, pour pouvoir produire des transmissions et les vendre à des prix concurrentiels, la PME québécoise sait qu'elle doit élire domicile quelque part sur le continent asiatique.

De par son entente avec Tata Motors, l'entreprise a naturellement choisi de s'établir à court terme en Inde. Or, c'est ici que le mot "patience" prend toute son importance.

«Même si nous collaborons avec Tata Motors depuis trois ans, nous avons créé là-bas en 2006 CVTech-Castmaster India, dont nous sommes actionnaires à 74%. Notre partenaire nous avait prévenus que les choses ne vont pas vite en Inde. Et c'est vrai. Si tu n'es pas présent sur place pour faire avancer les choses, c'est encore pire», explique Mario Trahan.

Cette réalité est confirmée par France Verrette, du ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation.

«Les raisons pour lesquelles les démarches d'affaires avec l'Inde sont lentes sont: la bureaucratie complexe, l'infrastructure limitée et non modernisée, les barrières tarifaires élevées, et dans une moindre mesure, les différences culturelles et la distance géographique», dit-elle.

Or, pas question pour Groupe CVTech [[|ticker sym='T.CVT'|]] de traîner de la patte. La PME a donc confié à l'ancien député provincial Normand Jutras le mandat de faire avancer les choses.

M.Jutras a été nommé directeur général par intérim de CVTech-Castmaster India. Il est en poste à New Delhi depuis octobre dernier.

Son contrat est d'une durée de six mois. Si tout se passe comme prévu, la production de transmissions en sol indien devrait commencer d'ici la fin de 2008.

Louer plutôt que construire

L'idée de faire construire une usine dans la région de Delhi a été écartée; CVTech y louera plutôt un immeuble.

La PME québécoise investit environ trois millions dans le projet.

La machinerie qui servira à la fabrication des transmissions est actuellement entreposée à Drummondville. Une transmission produite en Inde sera vendue environ 60$. Le même produit fabriqué ici se vend près de 160$.

Ce n'est pas le fruit du hasard si l'entreprise du Centre-du-Québec a été approchée par Tata Motors. Groupe CVTech est très connue en Europe depuis la fin des années 80.

C'est elle qui fabrique le système de transmission de la plupart des véhicules sans permis (VSP; des microvoitures urbaines n'excédant pas 50 km/h) qui sillonnent plusieurs villes du Vieux Continent.

«Il y a 12 manufacturiers de VSP en France et en Italie et nous occupons presque 100% du marché», dit le chef des opérations financières, Mario Trahan.

Ironiquement, c'est par le truchement de ses transmissions que Groupe CVTech est actuellement très connu. Pourtant, avec des ventes d'environ 25 millions, en majorité aux États-Unis et en Europe, sa division véhicules ne représente que 20% de son chiffre d'affaires.

Depuis 2005, c'est la division Lignes électriques et élagage qui lui rapporte le plus. Près de 100 millions l'année dernière.

Inscrite au TSX depuis 2005, la PME se présente comme une société de portefeuille. Ses principaux actionnaires, Guy Aubert, Françoise Lavallée et André Laramée, semblent aimer la diversification. C'est pourquoi ils ont multiplié les acquisitions ces dernières années.

Le coup d'éclat de Groupe CVTech demeure l'achat, en 2005, de Thiro, de Victoriaville. Une transaction de 16,7 millions.

Les ventes de cette entreprise spécialisée dans la construction et l'entretien de lignes de transport et de distribution d'énergie électrique étaient de 52 millions en 2005.

Groupe CVTech les a fait doubler à 100 millions en 2007. Les activités de cette nouvelle division sont de 50% au Canada et 50% aux États-Unis.

Au coeur de la division véhicules, il y a CVTech-IBC et CVTech R&D, tous deux situés à Drummondville. On y conçoit et fabrique les fameuses transmissions automatiques.

Récemment, la société faisait l'acquisition des Ateliers Adrien Bernard de Thetford Mines, une entreprise de 40 personnes spécialisée dans le réusinage et le reconditionnement de cylindres et de vilebrequins.

Cette PME s'appelle dorénavant CVTech-AAB.

Groupe CVTech ne manque pas d'ambition. La PME désire effectuer d'autres acquisitions, mais cette fois-ci à l'étranger.

Et elle souhaite voir les ventes de sa division véhicules égaler, sinon dépasser celles de sa division lignes électriques. Elle devra prendre son mal... en patience.