L'affaissement de la défense au procès pénal de Vincent Lacroix cette semaine peut susciter des questions sur l'équité des procédures pour ceux qui n'ont pas suivi les audiences en personne, surtout en raison du rejet de ses témoins.

L'affaissement de la défense au procès pénal de Vincent Lacroix cette semaine peut susciter des questions sur l'équité des procédures pour ceux qui n'ont pas suivi les audiences en personne, surtout en raison du rejet de ses témoins.

Pourtant, l'observation par le représentant de LaPresseAffaires.com de 46 jours de procès au palais de justice de Montréal permet de croire que l'ancien PDG de Norbourg a eu pleinement l'occasion d'exercer ses droits. Et c'est ce que certains juristes consultés nous confirment.

Le juge Claude Leblond, de la Cour du Québec, a fait preuve d'une patience exemplaire avec M. Lacroix depuis le mois de mai. Dès le printemps, alors qu'il contre-interrogeait des témoins dont l'expert juricomptable François Filion, Vincent Lacroix est passé du coq à l'âne avec ses questions.

Il s'attardait à l'infiniment petit comme aux quelques centaines de milliers de dollars de rémunération des représentants de Norbourg dans le cadre de la série F des fonds communs. Le juge et la poursuite s'attendaient plutôt à voir l'accusé s'attaquer à la thèse selon laquelle il a fait 137 retraits irréguliers et mis sur pied un stratagème comprenant 10 000 transactions bancaires afin de camoufler les anomalies.

Malgré tout, le magistrat l'a rarement rappelé à l'ordre, avec l'espoir que les réponses aux questions des contre-interrogatoires pouvaient servir à bâtir une argumentation.

À certains moments, le juge se transformait presque en avocat de la défense, soit en détaillant la marche à suivre pour que M. Lacroix se défende efficacement, soit en soulevant des points de droit quant à l'admissibilité des preuves déposées par l'Autorité des marchés financiers.

Eric Downs, procureur de l'AMF, a lui-même limité ses objections, avouant à plusieurs reprises qu'il préférait faciliter les choses pour son adversaire parce qu'il n'a pas d'avocat.

Quant à la défense avortée cette semaine, il semble difficile de contester les décisions du juge Leblond, un ancien avocat de la défense, si l'on tient compte du déroulement normal d'un procès.

Pendant les procédures, un juge demande toujours une explication satisfaisante pour croire que chaque témoin entendu et chaque document déposé ont un lien avec les chefs d'accusation. C'est le principe de la pertinence légale, qui s'applique tant à la preuve de la poursuite qu'à celle de la défense.

Dans ce contexte, l'Autorité des marchés financiers a été en mesure de justifier la présence de ses témoins et le dépôt d'une vingtaine de caisses de documents.

Par exemple, si l'on accuse Vincent Lacroix d'avoir produit un faux document, il est légalement pertinent de déposer le document en cour et d'amener un témoin expert pour expliquer pourquoi on estime que c'est un faux, preuves à l'appui.

C'est la même chose pour un témoin qui vient expliquer le chemin parcouru par l'argent provenant d'un retrait supposément irrégulier. Le témoignage et les documents sont directement liés à au moins un chef d'accusation.

C'est une toute autre chose de monter une défense en accusant l'AMF de négligence, de conflit d'intérêts, et dire que la Caisse de dépôt et placement a légué un trou de 20 millions de dollars à Norbourg avec les fonds Évolution. Comme l'a souligné le juge Leblond, ces allégations ne visent pas confirmer ou réfuter les chefs d'accusation.

D'ailleurs, depuis le début de son procès, Vincent Lacroix n'a jamais nié qu'il a effectué des retraits irréguliers dans l'épargne des investisseurs et n'a jamais tenté de détruire la preuve écrasante qui pèse contre lui. Il a plutôt tenté d'entraîner ses anciens collaborateurs ainsi que la Caisse et l'AMF dans sa chute.

M. Lacroix a été incapable de justifier pourquoi il n'a pas lancé de poursuites même s'il estimait avoir été floué lors de l'achat des fonds Evolution.

Enfin, la décision de ne pas témoigner et de ne pas amener Eric Asselin en cour a été prise par M. Lacroix lui-même et de personne d'autre. Le juge Leblond et Me Downs étaient prêts à lui donner plus de temps afin de se préparer, estimant que ces deux témoignages pouvaient alimenter la défense.

Mais Vincent Lacroix est allé de l'avant avec le principe du «tout ou rien», tel qu'il l'avouait mardi après-midi devant les journalistes. S'il ne pouvait présenter l'ensemble des témoignages recherchés, il préférait s'abstenir.

Ce n'est pas parce qu'il n'attire pas la sympathie que Vincent Lacroix a raté sa défense. C'est qu'il a omis d'attaquer de front les 51 chefs d'accusation qui l'ont amené en cour...