L'ex-président de Jitec, Benoît Laliberté, a utilisé en 2000 le compte d'une autre personne pour acheter sur marge des actions de Jitec durant la bulle boursière de cette firme techno qui a fermé dans le scandale en 2001.

L'ex-président de Jitec, Benoît Laliberté, a utilisé en 2000 le compte d'une autre personne pour acheter sur marge des actions de Jitec durant la bulle boursière de cette firme techno qui a fermé dans le scandale en 2001.

C'est ce qu'a affirmé mercredi Martin Gendron, qui fut brièvement courtier en valeurs mobilières chez Leduc & Associés en 2000 durant la bulle boursière de Jitec, et qui avait M. Laliberté comme client.

M. Gendron a accepté de témoigner contre M. Laliberté en échange de la clémence des autorités boursières pour ses propres infractions à la Loi sur les valeurs mobilières.

Le jeune homme, qui s'est maintenant recyclé dans la construction, a déclaré mercredi que M. Laliberté avait utilisé le compte d'une société à numéro appartenant à un de ses partenaires d'affaires, Michel Saint-Pierre.

«Il a transféré 1,5 million d'actions de Jitec», dans ce compte sur marge, a dit M. Gendron, ajoutant que cette marge a été utilisée pour acheter d'autres actions de Jitec.

Selon lui, la majorité des transactions faites dans ce compte l'étaient par M. Laliberté, quelques-unes étant ordonnées par un «responsable de la surveillance des marchés» chez Jitec.

L'Autorité des marchés financiers (AMF) accuse M. Laliberté de 48 infractions à la Loi sur les valeurs mobilières, dont quatre de délits d'initié et 33 de transactions d'initié non rapportées ou rapportées en retard.

Supercontrats?

Selon M. Gendron, dès les premiers mois de 2000, alors qu'il promouvait un placement privé dans Jitec, Benoît Laliberté faisait miroiter des méga-contrats grâce auxquels il y aurait «un terminal Jitec dans chaque chambre d'hôtel au Canada».

M. Laliberté évoquait un contrat avec une firme ayant comme partenaire la multinationale téléphonique AT&T et, plus tard, affirmait que le géant de l'informatique Microsoft était intéressé par la technologie de Jitec.

M. Laliberté est aussi accusé d'avoir publié trois communiqués de presse faux ou trompeurs.

L'action de Jitec a été propulsée vers un sommet de 11,65$ à l'été 2000 par deux annonces de contrats totalisant 145 M$, mais a dégonflé quand des doutes sont apparus sur la véracité des annonces.

Quand Jitec a montré la porte à M. Laliberté, à l'automne 2000, le dirigeant chevronné qui l'a remplacé a mis peu de temps à douter du réalisme d'un contrat de 105 M$ annoncé en grande pompe avec un client de l'Ouest canadien aux reins peu solides.

«C'était un contrat très agressif sur une période courte -seulement 24 mois- durant laquelle 45 000 terminaux Jitec devaient être fabriqués, livrés, vendus, financés et déployés. Je ne voyais pas l'équipe de vente chez Canada Payphone faire ça», a dit Alex Delisle, qui a succédé à M. Laliberté.

D'autant plus que Canada Payphone avait des difficultés financières, a-t-il dit.

Canada Payphone était échaudée par le scandale boursier sur Jitec qui avait éclaté dans les médias à Montréal, a dit M. Delisle.

L'absence de tout intérêt de Canada Payphone à mettre en branle ne serait-ce qu'une première commande l'a incité à annuler le contrat.

Il a alors porté son attention sur l'autre client de Jitec, Powernet USA, avec qui M. Laliberté prétendait avoir signé une transaction de 40 M$. M. Delisle a d'abord découvert qu'il n'y avait pas de contrat avec Powernet, seulement une lettre d'entente.

Quand il a entrepris les discussions avec Powernet, il s'est aperçu que le négociateur de cette firme était nul autre qu'un dénommé Paul Dumas, chef des finances de l'autre entreprise, Canada Payphone.

Il a aussi eu des discussions avec le Colombien Carlos Ocampo, vice-président et actionnaire principal, et avec son frère Tulio Ocampo, «qui agissait comme président».

Trois semaines de négociations ont accouché d'un contrat de seulement 1,2 M$ (au lieu de 40 M$), a dit M. Delisle, ce qui montre la différence entre une lettre d'entente et un contrat.

Le contrat format réduit a été signé le 29 décembre 2000, trois mois et 11 jours après que l'annonce faite par M. Laliberté d'une transaction 40 fois plus payante... M. Delisle trouvait M. Dumas et les Ocampo un peu surprenants: «Chaque fois qu'on négociait, ils ajoutaient un pays à leur exclusivité territoriale...»

L'AMF espérait faire témoigner Carlos Ocampo, mais son frère Tulio et lui ont été condamnés le 28 août dernier par un tribunal fédéral américain à la prison pour avoir comploté pour importer aux États-Unis 30 kg de cocaïne.

Ils sont tous les deux au pénitencier de Miami jusqu'en 2013, ce qui restreint leurs déplacements.