Dans la foulée des scandales, les conseils abandonnent le laisser-faire

Dans la foulée des scandales, les conseils abandonnent le laisser-faire

Les PDG tombent comme des feuilles d'automne cette année. Au cours des 12 premiers jours de septembre, les patrons de Bristol-Myers Squibb, de Ford Motor et de Viacom ont été remerciés de leurs services, ce qui alimente la cadence d'enfer d'un départ de PDG toutes les six heures!

Ainsi, le nombre de patrons qui ont été congédiés ou ont quitté leur entreprise aux États-Unis est en voie d'atteindre le nombre record de 1400 en 2006, une hausse par rapport aux 1322 départs l'an dernier et aux 663 en 2004, souligne Challenger, Gray & Christmas Inc., entreprise de recrutement de cadres de Chicago. De Sun Microsystems à Pfizer en passant par Kraft Foods et RadioShack, la plupart des types d'entreprises sont en proie au départ de PDG.

On montre la sortie à ces derniers tandis que les administrateurs de compagnie abandonnent leur approche de laisser-faire en ce qui a trait à la gouvernance. Cette nouvelle attitude s'inscrit dans la foulée des condamnations contre des dirigeants d'Enron, de WorldCom et d'autres compagnies.

Environ 96 % des entreprises qui forment l'indice Standard & Poor's 500 comptent maintenant des administrateurs indépendants qui président ou qui sont à la tête du conseil d'administration, en hausse par rapport aux 36 % en 2003, selon un sondage mené par Spencer Stuart Inc., autre entreprise de recrutement de cadres de Chicago.

" Les conseils d'administration subissent d'énormes pressions et ils sont hyper vigilants ", souligne Donald Hambrick, professeur de gestion du Smeal College of Business, du Pennsylvania State University. " Ils font le ménage ", ajoute-t-il.

Mais les coups de balai ont un prix. L'indemnité de départ moyenne d'un PDG a atteint environ 16 millions US au cours des trois dernières années, d'après Corporate Library, groupe de surveillance de la gouvernance de Portland, dans le Maine.

Chez Bristol-Myers, de New York, le conseil d'administration comprenant neuf administrateurs indépendants a congédié le PDG Peter Dolan pour avoir saboté un accord destiné à garder hors du marché une version générique du médicament de l'entreprise qui se vend le mieux dans le domaine cardiaque, le Plavix. M. Dolan, 50 ans, avait rempli un mandat de cinq ans, une éternité comparativement à la durée en poste des autres patrons congédiés cette année.

Sumner Redstone, président du conseil d'administration de Viacom, de New York, a évincé le PDG Tom Freston après seulement huit mois. M. Redstone a expliqué aux investisseurs que l'incapacité de M. Freston de faire en sorte que les succès du réseau MTV se répètent sur Internet avait contribué à la baisse de 7,6 % du prix de l'action de l'entreprisedurant son mandat.

Philip Knight, président du conseil d'administration de Nike, de Beaverton, en Oregon, a réservé le même traitement à William Perez. M. Knight avait embauché M. Perez, 59 ans, pour le remplacer au poste de PDG et il lui a montré la sortie un an plus tard, soit en janvier dernier.

Les patrons n'ont plus droit aux égards qui étaient réservés naguère aux dirigeants tels que l'ancien PDG de General Electric, Jack Welch, soutient John Challenger, patron de Challenger, Gray & Christmas.

" Les jours où vous pouviez apprendre de vos erreurs sont révolus, ajoute M. Challenger. Les résultats doivent être immédiats, solides et constants. "

L'ère Mulally William Clay Ford Jr n'a pas réussi à obtenir ces résultats après avoir pris les rênes du deuxième constructeur d'automobiles américain en 2001. Tandis que des concurrents actifs à l'échelle planétaire tels que Toyota ont réduit les parts de marché de Ford chaque année depuis 1995, M. Ford, qui était jusqu'à récemment président du conseil d'administration et chef de la direction du constructeur, avait entrepris de sabrer 30 000 emplois au cours des six années suivantes.

Ce projet ayant piétiné, M. Ford, 49 ans, a confié le 5 septembre dernier le poste de PDG à Alan Mulally, ancien vice-président de Boeing. Deux semaines plus tard, le constructeur annonçait qu'il offrait une indemnité de départ à tous les salariés horaires désireux de quitter la compagnie et qu'il terminerait la suppression d'emplois annoncée antérieurement quatre années avant la date prévue.

En deux ans, M. Mulally, 61 ans, a plus que doublé le bénéfice d'exploitation de la division des aéronefs commerciaux de Boeing en augmentant la cadence de production et en sabrant l'effectif de plus de la moitié. Chez Ford, le premier candidat de l'extérieur à diriger la compagnie en 60 ans n'aura pas beaucoup de temps pour démontrer qu'il est capable de répéter ses exploits.

" Les jeunes loups ont plus d'occasions et plus de temps, mais M. Mulally ne disposera que de deux à trois ans ", avance Allan Cohen, un professeur qui étudie la question des chefs de direction au Babson College, à Wellesley, au Massachusetts.

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