Les étés torrides des dernières années ont accru la recherche de confort thermique dans les organisations. Cette quête connaît des progrès et des ratés.

Les étés torrides des dernières années ont accru la recherche de confort thermique dans les organisations. Cette quête connaît des progrès et des ratés.

Pour la première fois en 98 ans, le célèbre restaurant montréalais Ben's ne sert plus de smoked meats. Ses 22 employés syndiqués sont en grève depuis le 20 juillet dernier.

Ils déplorent notamment la chaleur torride qui règne dans les cuisines en été et affirment geler tout rond en période de grands froids.

" L'amélioration de la climatisation et du chauffage n'est pas l'enjeu majeur du conflit mais les lacunes à ce chapitre sont une illustration d'un problème plus général de non-respect des travailleurs ", précise Jean-Pierre Larche, du service de l'information de la Confédération des syndicats nationaux (CSN).

Si la climatisation des édifices n'est pas obligatoire, elle apparaît néanmoins, et de plus en plus, comme une " norme minimale " de travail.

La recherche du confort thermique est également, dans plusieurs milieux de travail syndiqués, un objet de négociation.

Négocier à froid

Chaque vague de chaleur fait augmenter les appels au bureau de François Tanguay, hygiéniste du travail et conseiller syndical au Service des relations de travail de la CSN.

Les plaintes les plus récentes venaient de syndiqués travaillant dans des bâtiments anciens.

Ceux-ci n'étaient ni ventilés ni climatisés, comme des hôpitaux ou des centres pour personnes âgées. La chaleur affecte particulièrement les employés des cuisines ou les préposés qui donnent des bains.

Dans ces cas, François Tanguay recommande aux syndicats de négocier avec l'employeur des mesures souvent très simples qui permettent de réduire les impacts de la chaleur sans pénaliser les usagers.

" Boire de l'eau est la mesure la plus importante. On demande donc à l'employeur d'en fournir aux travailleurs en quantité suffisante ", dit-il.

Les autres mesures les plus efficaces à court terme sont la prise de pauses plus fréquentes dans des espaces climatisés ou frais, la rotation de postes ainsi que l'autorisation à porter des vêtements plus légers.

Tout en réagissant aux urgences, François Tanguay incite surtout les syndicats à négocier à l'avance les gestes à poser lorsque le mercure grimpera à nouveau.

" Négocier à la chaleur, avec un patron qui a chaud, ce n'est pas idéal ", dit-il.

Depuis quelques années, la CSN a mis l'accent sur la prévention et la sensibilisation, en diffusant largement le Guide de prévention des coups de chaleur, publié en 2004 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail au Québec (CSST).

" Cet outil facilite les discussions patronales-syndicales parce qu'il fournit des balises sur les actions en prendre en fonction de la température et de la nature du travail. Il permet aussi de reconnaître les symptômes des coups de chaleur et d'agir adéquatement ", explique M. Tanguay.

La CSST a accompagné la parution de ce guide d'une vaste campagne d'information menée, notamment, avec les CLSC.

" La sensibilisation et l'information semblent porter fruit. Il y a trois ans, nos inspecteurs étaient débordés par des plaintes liées à la chaleur. Cette année, ils ont surtout des demandes d'information ", indique Éric Arseneault, de la CSST.

Bientôt obligatoire?

Selon Frédéric Genest, ingénieur mécanique chez Pageau Morel et responsable des systèmes de chauffage et de climatisation de la Coop MEC, à Montréal, la majorité des lieux de travail construits depuis une trentaine d'années sont ventilés ou climatisés.

" Depuis les années 1970, il est largement admis que l'absence de confort thermique, que ce soit à cause de la chaleur ou du froid, entraîne une baisse de la productivité ", explique-t-il.

M. Genest observe toutefois que plusieurs systèmes sont mal conçus, mal entretenus ou mal programmés. " Un des plus grands défauts d'utilisation consiste à fixer une température trop basse, à 22 degrés Celcius, par exemple. Il est préférable de couper l'humidité et de fixer une température un peu plus élevée ", dit-il. L'ingénieur croit que le réchauffement de la planète va conduire les organismes de réglementation à rendre la climatisation obligatoire dans les lieux de travail. Il prédit également que des systèmes offrant à la fois une meilleure efficacité énergétique et un confort accru seront installés dans les nouveaux édifices.

D'ici là, les entreprises déjà dotées de climatisation devraient procéder à leur entretien régulier car elles s'en mordent les doigts quand il flanche.

" Les entreprises nous appellent en panique. Certaines nous disent que leurs employés vont débrayer si la climatisation ne redémarre pas rapidement. D'autre craignent pour leur production ou la perte de clientèle ", dit Louise Renaud, répartitrice chez Mécanique RH, une entreprise de Laval spécialisée en réfrigération et ventilation.

© 2006 La Presse. Tous droits réservés.