La déréglementation du coût des services optionnels de téléphonie, qui comprennent le répondeur, fait craindre la loi de la jungle aux groupes de défense des consommateurs.

La déréglementation du coût des services optionnels de téléphonie, qui comprennent le répondeur, fait craindre la loi de la jungle aux groupes de défense des consommateurs.

«Le jeune urbain qui consomme beaucoup de services va payer moins que la vieille personne en région éloignée», s'inquiète Charles Tanguay, porte-parole de l'Union des consommateurs.

«La téléphonie résidentielle va se mettre à ressembler au marché du cellulaire, où il est difficile de trouver la meilleure offre et où les contrats sont compliqués», poursuit-il. Dans un secteur caractérisé par l'inertie de plusieurs clients, certains s'en tireront selon lui beaucoup moins bien que d'autres.

Le CRTC a annoncé lundi une série de nouveaux allégements aux contraintes imposées aux grandes compagnies de téléphone, adoptant ainsi le ton donné par le ministre fédéral de l'Industrie, Maxime Bernier, partisan déclaré de la déréglementation.

L'organisme a déplafonné les tarifs de la téléphonie résidentielle en région, où il est plus coûteux d'offrir des services, a permis une hausse des tarifs des téléphones publics (gelés depuis plusieurs années) et a donné le champ libre aux compagnies pour fixer le prix des options.

Ces dernières incluent notamment la boîte vocale, la ligne en attente, l'afficheur et les services «multiétoiles».

Les experts ne s'entendent pas sur l'effet de ce coup de barre sur les tarifs des services optionnels.

Pour John Lawford, du Public Interest Advocacy Centre d'Ottawa, il est clair que la facture de la clientèle s'alourdira.

«Les options sont la plus importante source de profits des compagnies, qui en font une promotion aggressive, dit-il. On va faire une offre gratuite d'un mois, et le mois suivant, les gens ne remarqueront pas que leur facture a augmenté.»

Pour sa part, Charles Tanguay croit surtout que la nouvelle donne entraînera des inégalités entre les clients, d'autant plus que les entreprises ne seront plus obligées d'offrir à tous le même prix pour le même service.

«Il va falloir prendre le forfait 10 services pour en avoir pour son argent, craint-il. Le client qui ne veut que la téléréponse va être désavantagé.»

Pour le consultant en télécoms Mark Goldberg, les prix n'augmenteront pas nécessairement dans l'ensemble mais les clients devront être plus alertes.

«On aura affaire à un marché plus normal, ce sera un peu comme un Future Shop où vous pouvez trouver de tout, dit-il. Il faudra des consommateurs intelligents.»

Chez Telus, la vice-présidente Janet Yale croit que les compagnies pourront mieux répondre aux préférences de leurs clients. «La clé de cette décision, c'est la flexibilité qu'elle va nous donner pour établir des forfaits», dit-elle.

Tous ne sont pas d'accord non plus pour définir certains services comme optionnels. «L'identification des sources des appels, c'est une question de vie privée», plaide par exemple John Lawford. Et c'est difficile de soutenir que la boîte vocale ne fait pas partie du service de base de nos jours.»

Mais peu de spécialistes contestent que les décisions de lundi aient été prises sous l'influence du ministre Bernier, qui prône une déréglementation accélérée du marché des télécommunications et qui, au début d'avril, a cassé une décision du CRTC.

En 2006, l'organisme avait établi à 25 % la part de marché que les anciens monopoles de la téléphonie devaient avoir perdu avant de pouvoir échapper à une réglementation des tarifs, mais le ministre a jugé ce seuil trop contraignant.

«Avant, plusieurs principes étaient en compétition dans les décisions du CRTC, note Mark Goldberg. Par exemple, l'accessibilité des services et leur prix abordable. Dans la décision de lundi, le principe d'une réglementation minimale domine nettement.»

John Lawford fait le même type d'observation. «Il est écrit trois fois dans le document de lundi qu'on ne peut plus réglementer, déplore-t-il. Je ne suis pas impressionné par la docilité du CRTC. Il fait le travail qu'on lui a commandé.»

Charles Tanguay juge l'approche du ministre Bernier «dogmatique et idéologique», mais Mark Goldberg n'est pas prêt à la condamner.

«Ce n'est pas le rôle du gouvernement de nourrir le consommateur à la petite cuiller», plaide-t-il.