Le dollar canadien a atteint jeudi la parité avec la devise américaine pour la première fois en près de 31 ans, ce qui promet de donner un coup de pouce aux secteurs de l'énergie et des importations, tout en annonçant de nouveaux coups durs pour le secteur manufacturier canadien.

Le dollar canadien a atteint jeudi la parité avec la devise américaine pour la première fois en près de 31 ans, ce qui promet de donner un coup de pouce aux secteurs de l'énergie et des importations, tout en annonçant de nouveaux coups durs pour le secteur manufacturier canadien.

Le huard, qui a cumulé les gains sur la devise américaine après avoir reculé jusqu'à 62 ¢ US en 2002, a récemment engrangé les progressions de façon spectaculaire, lui qui était encore au début septembre à 95 ¢ US et était encore sous la barre des 90 ¢ au printemps dernier.

L'explosion de la demande pour les ressources naturelles canadienne, allant du pétrole au blé en passant par le charbon, la potasse, le nickel et le zinc, a donné des ailes au dollar canadien, tandis que les difficultés de l'économie américaine ont pesé sur le billet vert, la devise la plus largement détenue et échangée dans le monde.

Peu avant 11 heures, le huard a atteint 1,0004 $ US, puis s'échangeait plus tard en après-midi à 99,93 $ US.

Le dollar canadien avait atteint la parité avec la devise américaine pour la dernière fois le 25 novembre 1976.

Ces derniers temps, il avait repris du poil de la bête en raison de l'importante demande mondiale pour les ressources canadiennes et la solide croissance de l'économie, particulièrement dans les provinces de l'Ouest, qui profitent grandement de leur industrie pétrolière.

«Ce que tout cela veut dire, c'est que les Canadiens deviennent relativement plus riches que les États-Unis et que les actifs canadiens valent plus par rapport à ceux des États-Unis», a expliqué l'économiste Jeff Rubin, de la CIBC.

Le huard avait déjà pris 1,38 ¢ US mardi après que la Réserve fédérale américaine eut annoncé une réduction de son taux d'intérêt directeur, réduisant l'attrait de la devise américaine. Le dollar canadien a aussi profité du fait que le baril de pétrole a atteint de nouveaux sommets en passant le cap des 80 $ US.

«C'était un parfait environnement pour que le dollar canadien augmente», a noté Craig Alexander, économiste en chef associé chez TD Economics.

Selon M. Alexander, la principale raison qui explique cette hausse soudaine est la décision surprise de la Fed d'abaisser son taux d'intérêt d'un demi-point de pourcentage mardi. «Cela rend le dollar canadien plus attrayant aux yeux des investisseurs étrangers parce que cela signifie que les taux d'intérêt au Canada sont moins inférieurs à ceux des États-Unis.»

Les biens fabriqués aux États-Unis devraient coûter moins cher au Canada, et les Canadiens qui voyagent aux Etats-Unis, particulièrement ceux qui y magasinent ou qui y passent leurs vacances d'hiver, seront parmi les plus grands bénéficiaires du phénomène.

Mais une devise forte pèsera davantage sur les fabricants canadiens, qui doivent tenter de vendre leurs biens à rabais au sud de la frontière ou voient leur produits évincés des marchés américains.

Les fabricants comme les exportateurs de bois d'oeuvre, qui n'ont pas été à l'abri de la hausse des prix des ressources naturelles, seront particulièrement touchés, puisque la hausse du huard rend leurs exportations moins concurrentielles au même moment où les pépins du marché américain de l'habitation affaiblissent la demande pour la construction de maisons.

Le tourisme au Canada pourrait aussi être affecté, puisque les déplacements au pays deviendront plus chers pour les Américains, ce qui risque de nuire à l'industrie touristique.

Selon l'économiste Rubin, le secteur manufacturier pourrait encore céder jusqu'à 100 000 emplois au cours des 12 à 15 prochains mois, ce qui en fait le grand perdant de l'envolée du huard.

Pourtant, «la douleur et les souffrances du secteur manufacturier ne sont pas évidentes lorsque vous regardez les données économiques pour l'ensemble (du pays)», a-t-il noté.

En effet, le secteur manufacturier a cédé 289 000 emplois depuis la fin 2002, pendant que l'économie a créé plus d'un million de nouveaux emplois dans les ressources naturelles, la construction, les services, les soins de santé, l'éducation et les industries financières, ce qui a entraîné une baisse du taux de chômage, lequel est à son plus faible niveau en 30 ans.

«Même dans la province de l'Ontario, qui est, après tout, le coeur manufacturier du pays, le taux de chômage est à son plus bas en 20 ans.»

À l'inverse, les importateurs toucheront le gros lot puisque le coût pour faire venir les biens au Canada sera plus faible. Les grossistes seront aussi parmi les plus avantagés.

Les consommateurs pourraient aussi en profiter, puisque leur pouvoir d'achat est plus grand. Mais, selon M. Alexander, la hausse du huard ne s'est pas encore vraiment rendue jusqu'à eux.

«Cela est apparent dans certains secteurs comme le prix de l'essence et certains secteurs du commerce de détail comme les vêtements et les chaussures, mais de façon générale, nous n'avons pas encore vu de changement significatif», a-t-il observé.

«Les Canadiens qui décident de faire du magasinage de l'autre côté de la frontière en profitent, et la popularité croissante d'Internet fait en sorte que les Canadiens peuvent acheter des biens de vendeurs étrangers. De cette façon ils peuvent profiter à 100% de l'appréciation du dollar canadien.»

Certains analystes des devises étrangères aux États-Unis prédisent que le dollar canadien pourrait atteindre 1,05 $ US si les faiblesses économiques américaines persistent.