Quand audace rime avec RH, le travail peut devenir un lieu d'épanouissement privilégié.

Quand audace rime avec RH, le travail peut devenir un lieu d'épanouissement privilégié.

En juin dernier, la directrice des ressources humaines chez Sofitel Montréal a réuni ses collègues du comité exécutif pour leur présenter une idée qu'elle mûrissait depuis le printemps. Que diriez-vous, leur a-t-elle soufflé, si nous offrions aux employés la possibilité de monter une pièce de théâtre à l'intention des clients?

«Ils sont tombés en bas de leur chaise et m'ont demandé où je m'en allais avec mes skis», se rappelle Geneviève Gravel en riant. Mais avant la fin de la réunion, elle les avait tous convaincus de l'opportunité de son concept, une comédie révélant l'envers du décor d'un hôtel.

«C'était le projet parfait pour 2006», se souvient Jean-Christophe Gras, directeur général de Sofitel Montréal. «Il nous permettait de consolider le sentiment d'appartenance de nos collaborateurs, de faire travailler ensemble des gens de différents âges et de leur donner l'occasion de se développer personnellement.»

Avant même d'accueillir son premier client, le cinq étoiles a adopté une philosophie RH assez particulière. «Nous avons choisi nos employés en fonction de leur attitude et de leur potentiel. À notre ouverture en 2002, seulement la moitié d'entre eux possédait de l'expérience dans l'hôtellerie», se remémore Mme Gravel.

L'établissement a également décidé d'appeler ses employés des artistes. Dans cet esprit, l'entrée, la cafétéria et la salle de repos des employés ont été rebaptisées entrée des artistes, café des artistes, salon des artistes.

Le concept d'une pièce de théâtre a fini par s'imposer comme la suite logique, note Mme Gravel. Lorsqu'on a présenté le projet aux 225 employés, dont la moitié seulement sont syndiqués, une quarantaine d'entre eux se sont portés volontaires pour participer, sur la scène ou en coulisses.

Sofitel a ensuite demandé à la boîte de communication TAC com d'assurer la mise en scène du scénario, bâti sur les anecdotes professionnelles des employés. Résultat: une comédie assez irrévérencieuse, n'hésitant pas à caricaturer les travers des clients.

«Comme on voulait éliminer les contraintes, toutes les répétitions ont eu lieu pendant les heures de travail des employés», précise la directrice des RH.

Ce dernier point est extrêmement important, note Michel Tremblay, professeur titulaire à HEC Montréal.

«En agissant de la sorte, l'organisation montre l'importance qu'elle attache au projet», souligne le spécialiste de la gestion des ressources humaines.

«En 13 ans, c'était la première fois que je voyais une entreprise permettre à ses employés de vivre une telle expérience dans des conditions aussi bonnes», remarque Isabelle Champagne, directrice, vente et marketing chez TAC com. Il ne s'agissait pas de faire passer un message, mais simplement de rendre les employés heureux et de leur donner l'occasion de valoriser leur travail, ajoute-t-elle.

À la fin de la pièce, présentée le 4 décembre dernier devant près d'une centaine de spectateurs, le sourire des participants sur scène en disait long sur leur fierté.

La comédie d'une quarantaine de minutes a été suivie d'un encan silencieux qui a permis de recueillir 1200 $ pour la Fondation Rêves d'enfants.

«Il s'agit là d'un projet mobilisateur de toute évidence, mais qui fonctionnera seulement si le climat de travail est déjà bon», observe Michel Tremblay. «Ça semble être le cas ici, si on se fie au taux de participation du personnel», ajoute le titulaire de la Chaire de commerce Omer DeSerres.

La philosophie RH de Sofitel Montréal semble en effet porter ses fruits. Selon Geneviève Gravel, le taux de roulement du personnel serait de l'ordre de 14 %.

Un exploit dans le milieu hôtelier montréalais, où il s'élèverait jusqu'à 49 %, selon un rapport du Conseil québécois des ressources humaines en tourisme/Tourisme Montréal, daté d'avril 2005.

Selon Mme Gravel, cette pièce représente une première à Montréal et même pour le Groupe Accor, qui compte plus de 4 000 hôtels dans le monde. «La haute direction s'est montrée très intéressée par notre initiative, qui pourrait être reproduite ailleurs dans la chaîne», affirme-t-elle.

«Le seul hic: on fait quoi l'an prochain?», s'interroge le directeur de l'hôtel, tout sourire. Les employés ont d'ailleurs déjà posé la question à Mme Gravel. «Je ne sais pas, ça sera peut-être une tournée», lance-t-elle à la blague. Beau problème en perspective.