La plainte de manipulation des prix portée par un courtier américain contre Hydro-Québec n'est pas fondée, mais elle soulève des questions sur le fonctionnement de ce marché, soutient un analyste en énergie.

La plainte de manipulation des prix portée par un courtier américain contre Hydro-Québec n'est pas fondée, mais elle soulève des questions sur le fonctionnement de ce marché, soutient un analyste en énergie.

«N'importe quel autre concurrent d'Hydro-Québec, y compris le plaignant DC Energy, peut avoir recours aux instruments financiers utilisés par la société d'État», a expliqué lundi Jean-François Blain, lors d'un entretien avec La Presse Affaires.

Par conséquent, selon lui, «on ne peut pas parler de pratiques commerciales ni illégales, ni frauduleuses, ni même déloyales».

Analyste en énergie, Jean-François Blain est plus souvent du côté des critiques que des défenseurs d'Hydro-Québec.

Il est récemment devenu coprésident de la Fondation Rivières, un groupe qui s'oppose notamment au projet de la dérivation de la rivière Rupert pour alimenter une nouvelle centrale hydroélectrique. Mais après avoir pris connaissance de la plainte déposée par DC Energy devant la Federal Energy Regulatory Commission (FERC), Jean-François Blain ne peut que conclure que le courtier américain a tort.

DC Energy se plaint du fait qu'Hydro-Québec a acheté les droits de congestion entre deux points du réseau de transport d'électricité de New York, ce qui lui permet de mettre sur le marché de l'énergie à très bas prix à un point du réseau et de compenser ces bas prix en encaissant les droits de congestion payés par l'acheteur à l'autre point du réseau.

Autrement dit, DC Energy prétend que le permis délivré par la FERC à Hydro-Québec lui permet de négocier de l'énergie mais pas des instruments financiers comme les droits de congestion.

L'analyste Jean-François Blain n'est pas d'accord. Si Hydro-Québec ne détenait pas ces droits de congestion, quelqu'un d'autre les aurait achetés et pourrait les utiliser de la même façon.

Ces droits de congestion sont mis à l'enchère de façon périodique et permettent à des intermédiaires de tirer profit des différences de prix entre les divers points du réseau de transport.

Dans le cas précis dénoncé par DC Energy, le prix de l'électricité est le même pour l'acheteur et c'est ce qui devrait primer pour la FERC.

Coûts additionnels

Toutefois, cette structure de marché engendre des coûts additionnels et inutiles refilés à l'ensemble des consommateurs uniquement pour permettre aux producteurs et aux courtiers de spéculer par l'intermédiaire d'un usage pervers des infrastructures, explique Jean-François Blain.

Selon lui, il y a là un défaut dans la réglementation qui permet une manipulation spéculative des prix et qui devrait être corrigé.

Hydro-Québec est très dynamique sur le marché américain depuis le début de la saison chaude. En plus d'avoir plus d'énergie disponible que l'an dernier à pareille date, la société d'État doit revendre 5 térawattheures achetés en trop par sa division Distribution pour le marché du Québec. C'est assez d'électricité pour alimenter 250 000 foyers québécois pendant un an.

Le temps moins froid, les fermetures d'usines et les économies d'énergie expliquent ces achats en trop, selon Hydro.

Même si la FERC arrive à la conclusion qu'Hydro-Québec n'a enfreint aucune loi ou règlement, la réputation de la société d'État souffrira de la plainte de DC Energy, estime Jean-François Blain. Hydro projette d'exporter des quantités énormes d'énergie au cours des prochaines années et le gouvernement du Québec compte sur ces revenus pour continuer d'assurer les services sociaux à sa population.