Il n'y a pas si longtemps, l'obligation d'être en tout temps à portée de cellulaire ou de téléavertisseur était limitée aux métiers et professions de l'urgence. Aujourd'hui, des salariés de tous les horizons ont le devoir - ou se font un devoir - d'être disponibles d'un soleil à l'autre.

Il n'y a pas si longtemps, l'obligation d'être en tout temps à portée de cellulaire ou de téléavertisseur était limitée aux métiers et professions de l'urgence. Aujourd'hui, des salariés de tous les horizons ont le devoir - ou se font un devoir - d'être disponibles d'un soleil à l'autre.

Tout le monde a l'expérience d'un souper au restaurant en compagnie d'un ami ou d'une connaissance qui examine, à intervalle régulier, son téléavertisseur ou son cellulaire.

Ce comportement, facilement compréhensible chez un gynécologue dont la patient est sur le point d'accoucher, est maintenant monnaie courante chez un grand nombre de salariés.

L'attachée de presse espère le retour d'appel d'un journaliste. L'informaticien redoute que le système qu'il vient d'installer plante. La commis d'épicerie veut savoir si elle entrera au travail le lendemain, etc.

Dans les trois cas, la frontière entre le travail et la vie privée s'est estompée. Là s'arrête les similitudes.

L'attachée de presse risque fort d'être rémunérée selon un horaire variable qui ne prévoit pas le paiement d'heures supplémentaires. L'informaticien peut avoir négocié une indemnité de disponibilité. La commis d'épicerie, elle, est enchaînée à son cellulaire sans être rémunérée.

Précédents et percées

En octobre 2006, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) et le gouvernement québécois concluaient une entente sur la rétribution des médecins en disponibilité pour se rendre à pied levée travailler dans une salle d'urgence pendant la période des Fêtes et du récent congé scolaire.

Cette entente prévoit qu'un médecin inscrit sur la liste de disponibilité reçoit 3825 $ par semaine s'il n'est pas appelé à travailler. Ceux qui ont à se déplacer sont payés 3315 $ par semaine, auxquels s'ajoutent le coût des services rendus.

Selon le Dr Michel Desrosiers, directeur des affaires professionnelles de la FMOQ, les candidatures de quelques médecins seulement - deux ou trois- ont été retenues dans le cadre de cette entente.

Plus largement, le principe de rémunérer un médecin qui est tenu d'être disponible pour se rendre rapidement au service d'un patient en dehors de ses périodes normales de travail est depuis longtemps reconnu.

Ainsi, un médecin responsable de répondre aux urgences pour tout un territoire de CLSC peut recevoir jusqu'à 700 $ par semaine en compensation de sa disponibilité. Les services rendus sont payés en surplus.

Le droit à une indemnité de disponibilité est également reconnu dans plusieurs conventions collectives des fonctions publiques canadienne et québécoise. Ainsi, pour la seule année 2003-2004, le ministère fédéral des Transports a versé à ses fonctionnaires 1,4 million de dollars en indemnité de disponibilité.

Plusieurs conventions collectives signées récemment au Québec dans le secteur privé comportent également des dispositions sur la rétribution du temps de disponibilité. C'est le cas notamment chez Cascades, à Jonquière, chez Quebecor World, chez Prévost Car, chez Sobeys, à la Société immobilière du Québec et à l'INRS.

Le modèle le plus courant consiste à payer de une à deux heures de salaire pour huit heures d'attente. Chez Rolls Royce, par contre, la FTQ a fait inscrire dans la convention un paiement de 20 $. par jour pour les syndiqués qui sont tenus d'avoir un cellulaire ou un téléavertisseur.

Pour plusieurs syndiqués et pour la majorité des non-syndiqués, par contre, la possession d'un cellulaire ou d'un téléavertisseur est venue, subtilement mais non moins résolument, gonfler le nombre d'heures supplémentaires non rémunérées.

Selon Statistique Canada, 26 % des travailleuses et 30 % des travailleurs avaient effectué des heures supplémentaires non payées en 2005 au Canada. Il s'agit, dans ce cas, du boulot officiel. Ces chiffres excluent le temps de disponibilité, pour lequel aucune donnée n'a été colligée à Ottawa ou à Québec.

Contraintes

Sur le terrain, des organismes en contact étroit avec les non-syndiqués, comme Au Bas de l'Échelle, observent toutefois qu'un nombre grandissant de salariés sont contraints de porter un téléavertisseur ou de demeurer à la disposition de leur employeur en dehors des heures régulières de travail, sans rémunération.

«La Loi sur les normes de travail ne prévoit pas d'indemnité pour les gens en disponibilité. S'ils sont appelés, leur employeur doit toutefois leur verser un minimum de trois heures de travail, à taux simple», explique Me André Giroux, du groupe de droit de l'emploi et du travail chez Ogilvy Renault.

Des dispositions similaires sont prévues dans le Code canadien du travail.

En attendant une sonnerie ou une vibration, la majorité de ces travailleurs limitent leurs activités personnelles ou familiales.

Selon Au bas de l'échelle, la Loi sur les normes du travail, tout comme le Code canadien du travail, devrait être modifiée pour prévoir une période de repos obligatoire de huit heures pendant laquelle ils ne peuvent être appelés par leur employeur.

L'organisme réclame également que tous les salariés aient droit à des indemnités de disponibilité, représentant, comme c'est déjà le cas pour plusieurs syndiqués, un pourcentage de leur salaire.