La scène avait quelque chose de surréaliste. Warren Buffett, le meilleur investisseur du monde, qui donne sa bénédiction aux indices boursiers.

La scène avait quelque chose de surréaliste. Warren Buffett, le meilleur investisseur du monde, qui donne sa bénédiction aux indices boursiers.

«Un indice boursier va faire beaucoup mieux que bien des fonds communs et des fonds de couverture», a dit Buffett la fin de semaine dernière à l'occasion de l'assemblée annuelle de sa société d'investissement Berkshire Hathaway.

L'Oracle d'Omaha convient cependant que son opinion ne fait pas l'affaire de tout le monde. «Ça ne ferait pas d'excellents magazines de finances. Une page de conseils, 99 pages de publicité...», a-t-il dit avec son humour habituel.

Attention, le PDG de Berkshire Hathaway ne suivra pas son propre conseil. À 76 ans, il croit être encore l'un des rares gestionnaires à pouvoir battre le marché année après année.

Il encourage toutefois les investisseurs du dimanche («know-nothing investors») à délaisser les fonds communs de placement et les actions au profit des indices inscrits en Bourse.

«Et il incluait pas mal de gens dans les investisseurs du dimanche», croit Hélène Gagné, gestionnaire de portefeuilles chez PWL Capital.

Les Canadiens sont particulièrement enclins à suivre la recommandation de Warren Buffett: les frais de gestion de leurs fonds communs de placement sont les plus élevés au monde (voir tableau).

De surcroît, leurs gestionnaires font piètre figure: seulement 9,1% d'entre eux parviennent à battre l'indice du TSX sur une période de cinq ans.

Aux États-Unis, 27,8% des gestionnaires de fonds ont le meilleur sur l'indice Standard & Poor's 500 durant la même période.

«L'industrie du placement ne veut pas le reconnaître, mais seulement une minorité de gestionnaires sont capables de battre l'indice avec régularité en raison des frais de gestion élevés», dit Mme Gagné.

Les gestionnaires canadiens ne sont pas moins intelligents que leurs collègues américains. Ils doivent seulement manoeuvrer dans un marché plus risqué, trop au goût de certains de leurs clients.

«Le marché canadien est très concentré dans deux ou trois secteurs, dont les ressources naturelles, dit Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux. Or, les gestionnaires ont tardé à suivre la hausse dans ce secteur. Aux États-Unis, un gestionnaire qui veut prendre plus de risques sur les ressources peut détenir de 3 à 4% de son portefeuille en ressources. Au Canada, il faut aller jusqu'à 20% pour avoir des chances de battre le marché.»

Investisseurs recherchés

Faciles à gérer, les fonds indiciels sont faits sur mesure pour les investisseurs du dimanche.

«Ce n'est pas une solution sans risques mais ça demande moins de rigueur que les titres boursiers, dit Vincent Delisle. C'est une excellente solution pour les gens qui veulent gérer seul leur portefeuille.»

Le stratège de Scotia Capitaux suggère de se contenter de fonds indiciels avant d'avoir accumulé 50 000 $ dans son portefeuille.

«Très peu d'investisseurs ont un portefeuille assez imposant pour avoir une diversification similaire à celle d'un investisseur institutionnel, dit-il. Ils commencent alors par la fin. Ils veulent acheter Alcan, CGI et Petro-Canada, mais ils n'ont pas de stratégie d'investissement. Ils choisissent des titres en croisant les doigts sans avoir un niveau de diversification suffisante dans leur portefeuille.»

Hélène Gagné va encore plus loin: à moins d'être un expert des marchés boursiers, un investisseur devrait toujours rester fidèle aux fonds indiciels.

«Avec le temps, les indices vont donner des meilleurs rendements que les titres de société», dit-elle.

«Un indice comporte moins que risques de krach qu'un portefeuille de 10 ou 12 titres», fait remarquer Luc Girard, directeur du groupe conseil en portefeuilles chez Valeurs Mobilières Desjardins.

Une solution internationale

Les fonds indiciels sont aussi la porte d'entrée la plus facile vers les marchés internationaux.

Vincent Delisle, de Scotia Capitaux, suggère de lorgner du côté de l'Europe.

«Les investisseurs canadiens qui ignorent l'Europe présentement se privent d'un beau potentiel de croissance», dit-il.

«Le TSX fait mieux que les marchés boursiers américains et européens depuis trois ans. Le marché canadien a été très généreux mais ce serait surprenant que ça se poursuive encore longtemps. Comme les investisseurs ne sont pas pour commencer à scruter toutes les sociétés inscrites dans les Bourses européennes, ils sont aussi bien de choisir un indice.»

Même les plus grands partisans des fonds indiciels l'admettent: malgré leurs nombreuses qualités, les fonds indiciels ne conviennent pas à tout le monde.

Comme ils engendrent des frais à chaque transaction, les fonds indiciels négociés en Bourse sont peu attrayants pour ceux qui veulent investir une somme fixe toutes les semaines. Certaines institutions financières offrent toutefois un produit hybride: des fonds mutuels basés sur un indice boursier.

Il y a aussi les investisseurs qui sont incapables de contrôler leurs émotions.

«Les gens qui s'impliquent beaucoup dans leurs placements n'ont pas la patience et la discipline requises pour conserver ces fonds, dit Vincent Delisle. On ne vend pas un fonds indiciel après trois ans. Même si je doute que ce soit une bonne chose, certaines personnes ont besoin de davantage d'émotions dans leur vie financière...»