Les géants mondiaux de l'édition de jeux vidéos investissent des millions de dollars au Québec, attirés par la créativité locale et de généreux crédits d'impôt qui pourraient faire de la «belle province» le Hollywood du divertissement multimédia.

Les géants mondiaux de l'édition de jeux vidéos investissent des millions de dollars au Québec, attirés par la créativité locale et de généreux crédits d'impôt qui pourraient faire de la «belle province» le Hollywood du divertissement multimédia.

Le secteur du jeu vidéo emploie aujourd'hui des milliers de personnes dans la métropole Montréal et la capitale Québec, où les leaders américains Electronic Arts (EA) et Activision ainsi que le français Ubisoft ont tous pignon sur rue.

Ubisoft prévoit d'embaucher 1500 personnes au cours des prochaines années, EA près de 500, le britannique Eidos plus de 300, et Activision a annoncé la création cette semaine de 200 postes.

Les semences plantées il y a dix ans par le gouvernement commencent à porter fruit. Pour stimuler la création d'emplois de qualité chez les jeunes, la province francophone avait appâté Ubisoft en 1997 en lui promettant des crédits d'impôt pour financer sa main-d'oeuvre.

«L'industrie locale était alors dans un état larvaire et s'est dit qu'elle aussi pourrait avoir droit à ces crédits... Par effet d'entraînement, un +cluster+ (rassemblement, ndlr) du jeu vidéo s'est développé en grande partie fondé sur le soutien économique», explique Laurent Simon, professeur au HEC de Montréal.

Le Québec rembourse jusqu'à 37,5% du salaire des employés dans le multimédia, un atout important pour stimuler la croissance locale et attirer les investisseurs étrangers.

«Je me souviens du président d'Ubisoft qui disait: on est venu pour l'argent, on est resté pour le talent», poursuit M. Simon.

«La première raison pour laquelle Electronic Arts a choisi de s'implanter à Montréal, c'est le talent, les personnes», renchérit Alain Tascan, qui a fondé il y a trois ans le studio du géant américain à Montréal.

Société francophone en Amérique du Nord, le Québec tire profit de sa différence culturelle, une sorte de «sex appeal» dans un secteur économique fondé sur la créativité et qui lui permet de rivaliser avec de grandes métropoles nord-américaines et de détrôner ses concurrents asiatiques.

«L'histoire du jeu vidéo est concentrée en Amérique du Nord et en Europe. En Chine, les gens commencent à jouer. Il n'y a pas encore cette culture. Avant de produire des jeux qui ont la même profondeur que les nôtres, il y a un apprentissage à faire», pense Cédric Orvoine, porte-parole d'Ubisoft.

Le géant français a ouvert un studio à Shanghaï avant Montréal, mais c'est aujourd'hui le Québec qui connaît la «croissance la plus forte», affirme-t-il.

«Et c'est très difficile de délocaliser la créativité, de dire voilà messieurs, mesdames vous allez devenir des créateurs de jeux vidéos», constate Laurent Simon.

La croissance dans l'industrie du jeu vidéo québécoise est toutefois menacée par une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, qui pourrait handicaper la province francophone face à ses rivaux de Boston, Vancouver, Orlando ou Los Angeles qui concourent tous pour le titre de capitale mondiale du jeu vidéo.

«Aujourd'hui on fait face à une pénurie de main-d'oeuvre. On n'a pas assez de gens formés pour respecter notre plan de croissance», note M. Tascan, un constat partagé par l'ensemble de l'industrie.

Ubisoft a fondé l'an dernier un «campus» dans le centre-ville de Montréal en partenariat avec des collèges et des universités. Mais la cohorte d'une centaine d'étudiants, additionnée aux diplômés des instituts de formation privés, demeure insuffisante pour nourrir l'industrie.

«On parle aujourd'hui de quelque milliers d'emplois au Québec. Lorsqu'il y en aura une dizaine de milliers, on aura une vraie masse critique», dit M. Tascan. Ce qui permettra à Montréal d'attirer les meilleurs talents mondiaux et de prétendre au titre de Hollywood du jeu vidéo, pense-t-il.