Le 24 octobre 2003, une page d'histoire a été tournée. Après y avoir vécu durant 80 ans, elles ont vendu leur majestueuse maison mère, rue Mont-Royal, à Outremont.

Le 24 octobre 2003, une page d'histoire a été tournée. Après y avoir vécu durant 80 ans, elles ont vendu leur majestueuse maison mère, rue Mont-Royal, à Outremont.

Elles, ce sont les Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie. Moyennant 15 millions de dollars, l'Université de Montréal a fait l'acquisition de leur couvent de 365 000 pieds carrés. Depuis la transaction, les 190 soeurs qui y logeaient ont emporté leurs pénates à Longueuil, dans un bâtiment plus petit.

La vente de telles propriétés devrait se répéter dans les années à venir. Au Québec, les quelque 14 000 membres de communautés religieuses ont une moyenne d'âge d'environ 75 ans. Chez les Soeurs Jésus-Marie, cette moyenne est même de 81 ans pour les 640 membres.

«Plusieurs communautés se tournent vers la vente de leurs biens immobiliers, d'abord parce qu'il y a moins de membres, mais aussi parce que la vente procure des liquidités pour subvenir aux besoins», nous explique Jacqueline Boudreau, qui était animatrice provinciale des Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie au moment de la transaction.

Le patrimoine immobilier de l'ensemble des communautés religieuses a une valeur de 1,2 milliard de dollars sur l'île de Montréal, selon les chiffres de la Ville de Montréal. Cette valeur exclut les églises, mais comprend les couvents, de même que les immeubles utilisés par le réseau de la santé et de l'éducation qui sont toujours la propriété des religieux.

Payant, les immeubles des soeurs? Pas si sûr. Quand les Soeurs de Jésus-Marie ont vendu leur maison mère, elles ont obtenu 15 millions de dollars, soit 10 millions de moins que l'évaluation de 24,6 millions. Aujourd'hui, la propriété vaut même 26,8 millions, selon le rôle foncier de la Ville de Montréal.

Pourquoi avoir vendu à rabais? «C'était bien pour nous de céder l'immeuble à une organisation du secteur de l'éducation. Ça poursuit notre mission éducative», nous explique soeur Jacqueline Boudreau, qui était animatrice provinciale de la communauté au moment de la transaction.

Pensionnat et Vincent-d'Indy

Sous le règne de Soeur Boudreau, la communauté a pris une autre décision importante, en cédant à une corporation laïque le Pensionnat Saint-Nom-de-Marie et l'École de musique Vincent-d'Indy.

Les soeurs ont d'abord cédé les deux écoles comme entité, mais non les bâtiments. Toutefois, en 2005, la congrégation a reçu une promesse d'achat pour les immeubles abritant ces institutions. Pour des raisons de financement, cette promesse d'achat de la part de la corporation laïque n'a pas encore été honorée, mais les soeurs sont patientes.

Depuis plusieurs années, les couvents et les infirmeries des communautés religieuses sont exemptés d'impôts fonciers. Les congrégations ne sont tenus de payer que l'impôt foncier sur leurs terrains, à raison de 80 cents par 100$ d'évaluation.

En 2007, la facture foncière des communautés s'élève donc à 2,9 millions de dollars sur l'île de Montréal pour les terrains, d'une valeur de 313 millions de dollars. Pour la Ville de Montréal, l'exemption accordée aux religieux pour les bâtiments de 450 millions de dollars équivaut à un manque à gagner de 7 millions.

Quoiqu'il en soit, d'autres ventes de couvents et terrains sont à venir. Mais attention, les promoteurs qui cherchent des occasions d'affaires pourraient se cogner le nez. Échaudés par le scandale des Soeurs du Bon-Pasteur avec le Marché central, les communautés sont prudentes.

Claire Houde, supérieure provinciale des Soeurs de la Providence, est catégorique. «Nos maisons ont été bien entretenues, mais il faut suivre les règles du jeu. Les acheteurs ne feront pas d'argent avec nous», dit la soeur de 64 ans, détentrice d'un MBA de l'Université McGill.

Soeur Houde donne l'exemple choquant d'une propriété achetée 800 000$ par des promoteurs ces dernières années, mais revendu plus de 2M$ trois ans plus tard. Pour éviter ce genre de situation, les Soeurs de la Providence ont imposé leurs conditions lors de la vente récente d'un de leurs terrains, à Laval, près de la prison de Saint-Vincent de Paul.

L'acheteur a l'intention d'y construire un centre de soins palliatifs. Or, si jamais le terrain est plutôt revendu dans les 12 prochaines années, les soeurs ont obtenu que la moitié du profit leur soit versé.

«Je passe le mot aux autres communautés : s'ils veulent vos maisons, c'est d'accord. Mais mettez vos conditions. On ne vit pas à l'air du temps», dit soeur Houde.