Sans la centrale au gaz naturel du Suroît, Hydro-Québec avait prévu manquer d'électricité, mais c'est tout le contraire qui se produit.

Sans la centrale au gaz naturel du Suroît, Hydro-Québec avait prévu manquer d'électricité, mais c'est tout le contraire qui se produit.

Sa division Distribution se retrouve cette année avec près de 5 milliards de kilowattheures de surplus sur les bras, soit l'équivalent de la production combinée des nouvelles centrales Eastmain-1 et Péribonka.

La division Distribution a acheté trop d'électricité sur le marché, beaucoup trop: sur des achats totaux de 8,5 milliards de kilowattheures, 55% ne seront pas consommés en 2007, soit 5 milliards de kilowattheures, de quoi alimenter 250000 clients résidentiels pendant un an.

Hydro-Québec Distribution aurait pu revendre à profit ces kilowattheures sur le marché, mais elle a plutôt essayé de s'entendre avec ses fournisseurs, TransCanada Energy et Hydro-Québec Production, pour reporter d'un an les livraisons prévues à leurs contrats d'une durée de 20 ans et qui commencent cette année.

TransCanada et Hydro-Québec Production sont les deux soumissionnaires choisis par Hydro-Québec Distribution à la suite de son tout premier appel d'offres pour acheter sur le marché l'électricité requise par le Québec en plus du bloc patrimonial.

TransCanada Energy a refusé de rouvrir son contrat, qui prévoit la livraison à Hydro de 4,1 milliards de kilowattheures par année à 10,5 cents le kilowattheure.

Mais Hydro-Québec Production a accepté de régler le problème de Distribution et de ne pas lui livrer l'électricité prévue cette année, soit 5 milliards de kilowattheures à près de 5 cents le kilowattheure. Cette décision lui occasionnera un manque à gagner de 220 millions. Mieux encore, la division Production a renoncé à encaisser les pénalités prévues au contrat en cas de désistement de l'acheteur, et se prive ainsi de 82 millions supplémentaires, pour un total de 302 millions.

Hier, les dirigeants d'Hydro-Québec Distribution comparaissaient devant la Régie de l'énergie, à qui ils demandent d'approuver d'urgence l'entente conclue avec la division Production. Le temps presse, car les livraisons d'électricité doivent commencer dans deux semaines, le 1er mars.

Le responsable de l'approvisionnement chez Hydro-Québec Distribution, Daniel Richard, a expliqué que le déséquilibre entre l'offre et la demande est un phénomène normal dû à la difficulté de faire des prévisions à long terme.

"Les contrats d'approvisionnement qui commencent cette année ont été conclus en 2002", a-t-il plaidé, en précisant que la situation pourrait se répéter dans les prochaines années.

L'entente conclue avec Hydro-Québec Production pour reporter d'un an le début du contrat est la solution qui aura le moins d'impact sur la facture des clients, a assuré Daniel Richard.

L'an dernier déjà, Hydro-Québec prévoyait avoir trop d'électricité pour les besoins de 2007, mais l'ampleur des surplus qui viennent d'être constatés est étonnante. Selon Hydro, la température anormalement douce du mois de janvier, la fermeture de Norsk Hydro et de plusieurs usines du secteur des pâtes et papiers, de même que la réduction des besoins d'Alcan, ont aggravé la situation et porté les surplus à 5 milliards de kilowattheures.

Hydro-Québec Distribution aurait pu vendre ces surplus elle-même sur les marchés à profit, et en faire bénéficier ses clients par une réduction de tarifs. Elle ne l'a pas fait parce que ce n'est pas son mandat de revendre de l'énergie et qu'elle n'aurait pas pu en tirer un prix assez intéressant, ont affirmé ses représentants devant la Régie. Les quantités à remettre sur le marché étant immenses, il y aurait eu un risque de faire baisser les prix de vente, a expliqué M. Richard.

Hydro-Québec Production, de son côté, a accepté de résilier le contrat et de se priver de 220 millions de vente cette année et de 82 millions en pénalités. "Ce n'est pas de l'argent qui disparaît, l'eau reste dans les réservoirs, a justifié le grand patron d'Hydro-Québec, Thierry Vandal. C'est de l'électricité qui pourra être revendue cette année ou plus tard", a-t-il dit.

M. Vandal ne croit pas que l'entente conclue entre les deux divisions d'Hydro-Québec remet en question leur indépendance et le mur juridique qui doit exister entre elles. "Ce sera à la Régie de se prononcer là-dessus", a-t-il dit.

La porte-parole de l'opposition officielle en matière d'énergie, Rita Dionne-Marsolais, estime au contraire que ce genre d'entente est très dangereuse pour la crédibilité d'Hydro sur les marchés financiers. "Le message que ça envoie, c'est qu'Hydro joue selon les règles du marché seulement quand ça fait son affaire", a-t-elle déploré.