Contrairement aux années passées, les faillites de grande envergure n'ont pas accaparé les manchettes en 2006.

Contrairement aux années passées, les faillites de grande envergure n'ont pas accaparé les manchettes en 2006.

Il n'y a pas eu de Norbourg, de Norshield et de Mount Real, qui ont fait les beaux jours des syndics de faillite et qui ont angoissé des milliers d'investisseurs. Il n'y a pas eu de Jetsgo, qui a immobilisé des centaines de voyageurs.

Il n'y a pas eu non plus d'Air Canada et d'Ailes de la mode, qui ont suscité des sueurs froides et qui ont réussi à éviter la catastrophe de justesse.

Et pourtant, le nombre de faillites commerciales et le montant des passifs ont augmenté au Québec pendant les 10 premiers mois de 2006 par rapport à la même période de 2005. Même chose du côté des faillites personnelles.

Or, dans ces deux cas, le nombre de faillites a diminué dans l'ensemble du Canada.

Insolvabilité commerciale

C'est ainsi que l'insolvabilité commerciale est en hausse de 5,3 % au Québec alors qu'elle est en baisse de 10,06 % dans l'ensemble du Canada. En fait, le Québec est la seule province, avec le Manitoba, qui a vu le nombre de faillites commerciales augmenter en 2006.

Au Bureau du surintendant des faillites du Canada, on ne s'explique pas trop cette différence entre le Québec et le reste du pays.

"À la limite, la croissance économique au Québec, qui a été parmi les plus faibles des provinces en 2005 (et en 2006 selon les données préliminaires) pourrait certainement faire partie de l'explication", indique-t-on dans une note en réponse aux questions posées par La Presse Affaires.

On souligne que ce sont les secteurs du commerce de gros, du transport, des services professionnels, de l'hébergement et de la restauration qui ont le plus contribué à l'augmentation du nombre des faillites.

"À mon avis, le domaine le plus touché est celui du bois, déclare pour sa part Jean Robillard, président du syndic Raymond Chabot Inc. Ce domaine a été touché par le litige canado-américain sur le bois d'oeuvre, mais aussi par un prix du marché totalement dérisoire."

Il prend pour exemple le Groupe GDS, un des plus importants employeurs de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent qui a dû se placer sous la protection de la Loi sur la protection des créanciers des compagnies en août dernier. Ses 14 scieries employaient un millier de personnes.

Le dossier n'a pas fait énormément de bruit dans les journaux de Montréal, comme les autres dossiers sur lesquels travaillent actuellement les syndics.

"Nous sommes très occupés, mais il s'agit de dossiers plus petits que dans le passé, qui ont moins de visibilité", soutient M. Robillard.

Il ajoute que plusieurs dossiers ne sont pas encore à l'étape des procédures formelles et qu'ils ne sont donc pas encore du domaine public.

"On sent venir les impacts incontournables du taux de change, des prix de l'énergie, de la sous-traitance chinoise, affirme-t-il. Ça s'en vient. Les prêteurs et les investisseurs institutionnels sont plus inquiets, nous avons plus de demandes pour des analyses diagnostiques."

Il indique que le secteur de la construction lui semble particulièrement vulnérable. Il note toutefois qu'il y a beaucoup d'argent disponible sur le marché, qu'il y a beaucoup de prêteurs et de fonds d'investissement qui sont en compétition les uns avec les autres."Assez fréquemment, il y a des investissements et des achats qui se font dans un dossier quand on sent poindre les problèmes, il y a des efforts de consolidation, observe-t-il. On ne règle pas des problèmes opérationnels avec des mises de fonds, mais ça donne du temps."

La petite société de biotechnologie BioEnvelop, de Saint-Hyacinthe, n'a pas eu cette chance et a dû déclarer faillite en août 2006. Par contre, le groupe lavallois Pneus Président a pu reprendre la route en se faisant acheter par Remington Tire Distributors, une entreprise de l'Alberta.

L'année 2006 a toutefois été funeste pour Avestor, une co-entreprise d'Hydro-Québec et de la société américaine Kerr-McGee qui fabriquait des piles au lithium-métal-polymère pour le marché des télécommunications. L'entreprise de Boucherville, qui employait 260 employés, a suspendu ses activités cet automne et a annoncé son intention de présenter une proposition à ses créanciers.

Les faillites personnelles

Du côté des faillites personnelles, on a constaté une augmentation de 5 % au Québec pendant les 10 premiers mois de l'année alors qu'il y a eu une diminution de 6 % dans l'ensemble du Canada. Le Bureau du surintendant des faillites ne peut identifier une cause principale à cette situation, mais note que la croissance des emplois a été très faible au Québec au cours des deux premiers trimestres de 2006. On mentionne également qu'en raison de la force du dollar, il y a eu beaucoup de mises à pied dans l'industrie manufacturière. Or, il s'agit de l'industrie qui compte le plus de travailleurs au Québec.

"De plus, les nombreuses mises à pied dans le secteur forestier au Québec pourraient aussi être une des sources de l'augmentation de l'insolvabilité de consommateurs dans cette province", poursuit-on. Pour sa part, le syndic Jean Fortin note que le taux d'endettement des consommateurs est particulièrement élevé au Québec à l'heure actuelle. Il estime que cette situation pourrait entraîner encore davantage de pleurs et de grincements de dents en 2007.

"Les taux d'intérêt sont bas, les gens se laissent tenter plus facilement, déclare-t-il. Dès qu'il y aura un ralentissement économique, dès que les taux d'intérêt vont monter, il y aura des gens qui n'arriveront plus à boucler leur budget. C'est certain qu'on va connaître une hausse dans le domaine des faillites."

FAILLITES10 premiers mois de 2006

PERSONNELLES

Québec

20 497 +5%

Canada

66 897 -6%

COMMERCIALES

Québec

1506 +5,3%

Canada

5700 -10,6%

"On sent venir les impacts incontournables du taux de change, des prix de l'énergie, de la sous-traitance chinoise. Ça s'en vient. Les prêteurs et les investisseurs institutionnels sont plus inquiets." Jean Robillard. président du syndic Raymond Chabot Inc.

Source : Bureau du surintendant des faillites