Le don de bienfaisance de Didier Helliet lui coûte encore très cher. Un don planifié mal planifié.

Le don de bienfaisance de Didier Helliet lui coûte encore très cher. Un don planifié mal planifié.

En 2003, à la suggestion d'un bureau de comptables qu'il avait consulté, il a emprunté 8000$ pour faire un don planifié par l'intermédiaire d'une entreprise spécialisée qui, grâce à un tour de passe-passe en apparence légal, lui a fourni un reçu de près de 30 000$.

«Les comptables m'avaient dit que c'était plus intéressant que de contribuer à un REER», relate M. Helliet.

Cette entreprise de «dons planifiés» proposait cette opération depuis trois ans. En 2003, près de 800 contribuables québécois, comme M. Helliet, ont profité de la formule.

Mal leur en pris.

L'Agence du revenu du Canada a mis un terme à la fête. Le stratagème fiscal a été jugé illégal. Ottawa réclame maintenant 12 600$ à M. Helliet. Québec demande pour sa part un remboursement de 6000$. Les intérêts courent à raison de 9% par année.

Devant la tournure des événements, le bureau de comptables s'est retiré du dossier, laissant M. Helliet débrouiller l'affaire avec le fisc.

«Ce n'est pas eux qui paient les pots cassés, dit-il. C'est toujours le contribuable.»

Don en nature

Comment reconnaître l'entourloupette fiscale périlleuse?

«Le reçu est trois à quatre fois plus élevé que le montant du don», résume Stéphane Leblanc, c.a., fiscaliste chez la firme Ernst & Young.

Il donne l'exemple d'une combine proche parente de celle dont M. Helliet a été victime: le promoteur se procure un énorme lot d'équipement médical à une fraction de sa valeur réelle, par exemple à l'occasion d'une faillite.

Le matériel est cédé à un organisme de bienfaisance, qui produit un reçu pour sa pleine valeur. Le contribuable qui a contribué à la transaction obtient ainsi un reçu pour trois fois la valeur de son don véritable.

«Présentement, ce qu'on voit sur le marché, ce sont des fiducies dont le contribuable devient bénéficiaire comme par magie, poursuit Stéphane Leblanc. Il se fait attribuer des revenus qu'il utilise pour faire des dons de charité. Mais il ne voit jamais la couleur de l'argent.»

Le don en espèces emprunté est lui aussi sujet à caution: «Un particulier emprunte 800$ pour en faire don à un organisme de bienfaisance, donne 200$ en espèces issues de son propre portefeuille, obtient un reçu de don de 1000$, et finalement ne paie que 100$ pour rembourser le prêt», explique Julie Pronovost, porte-parole de l'ARC.

L'Agence du revenu du Canada vérifie présentement tous les abris fiscaux associés à des arrangements de dons.

En août, elle avait déjà compulsé les déclarations de plus de 26 000 personnes, et avait rejeté quelque 1,4 milliard de dollars en dons. Chacune de ces vérifications a entraîné une nouvelle cotisation d'impôt.

Dans de nombreux cas, aucun don n'avait été véritablement fait, de sorte que le montant pour don a été réduit à zéro. Une autre cohorte de 70 000 déclarations de revenus passe présentement à la moulinette.

Les promoteurs de ces entourloupes montrent de vagues lettres d'avocats et brandissent fièrement leur numéro d'abri fiscal.

Or, rappelle l'ARC, ces numéros servent uniquement à identifier les stratagèmes fiscaux et les contribuables qui y participent. Ils ne garantissent en rien la validité de ces stratagèmes.

En résumé, selon l'ARC, «si tout semble trop beau pour être vrai, c'est probablement le cas.»

STRATÉGIES LÉGALES

Il existe des stratégies fiscales tout à fait légales pour accroître les 48,5% de crédits d'impôt que procurent les dons de charité. «Mais encore là, on n'obtiendra jamais plus d'économie d'impôt que la valeur du don», prévient le fiscaliste Stéphane Leblanc.

L'un de ces moyens est le don de titres négociables. Depuis mai dernier, lorsqu'on donne à une oeuvre un titre négociable en Bourse, on n'a pas à acquitter l'impôt sur le gain en capital réalisé au moment de la cession.

Un exemple? Supposons un lot d'actions payées 1000$ 10 ans plus tôt, et qui valent aujourd'hui 5000$. Si on les vend pour donner le fruit de la vente à un organisme de charité, on obtient un crédit d'impôt de 2425$. Mais il faudra d'autre part payer l'impôt sur le gain en capital réalisé de 4000$, soit 964$.

En donnant di rectement les titres, on évite cet impôt, pour une économie totale de 3389$. Le coût net du don est alors de 1611 $.

«Je récupère 67,8% de la somme donnée», indique Stéphane Leblanc. On est loin d'un retour de 300%

FISCALITÉ CHARITABLE

Les dons aux organismes de bienfaisance enregistrés donnent droit

à des crédits d'impôt. Au fédéral, ce crédit est établi à 12,9% (abattement fiscal inclus) de la première tranche de 200$, et à 24,5% de l'excédent.

Au Québec, il est de 20% pour la première tranche de 200$, et de 24% ensuite. Un crédit d'impôt, rappelons-le, est directement soustrait du compte d'impôt calculé sur les revenus du contribuable.

Une limite annuelle s'applique: les dons ne peuvent excéder 75% des revenus nets (revenus après déductions, mais avant impôt). Le surplus peut être réclamé dans les cinq années suivantes.