Une déclaration de guerre. Voilà comment les microbrasseurs québécois perçoivent l'arrivée sur les tablettes de la Saint-Urbain, une nouvelle bière qui a toute les apparences d'une bière de microbrasserie... mais qui est brassée par Labatt.

Une déclaration de guerre. Voilà comment les microbrasseurs québécois perçoivent l'arrivée sur les tablettes de la Saint-Urbain, une nouvelle bière qui a toute les apparences d'une bière de microbrasserie... mais qui est brassée par Labatt.

L'Association des microbrasseurs du Québec a tenu hier une téléconférence pour savoir comment réagir au nouveau produit qu'elle qualifie de «trompeur». Verdict: «c'est l'alerte générale, a laissé tomber Laura Urtnowski, présidente de l'Association. On considère la Saint-Urbain comme une marque de combat.»

Au coeur du débat, un fait: vous aurez beau tourner une caisse de Saint-Urbain dans tous les sens, nulle part vous ne verrez le nom de Labatt. À la place: la dénomination «Bières de spécialité Oland».

«C'est clairement destiné à confondre les consommateurs, c'est de la fausse représentation, bondit Mme Urnowski. C'est très clair que Labatt n'essaie pas ici de créer une marque, mais de détruire celles des microbrasseries.»

«Bières de spécialité Oland est la division de nos bières de spécialité comme la Beck's, la Stella Artois et la Alexander Keith qui existe depuis le milieu des années 90, réplique Stéphane Boulay, directeur du marketing chez Labatt. La Saint-Urbain fait partie de la catégorie des bières de spécialité domestiques, et c'était donc logique de la placer sous cette division.»

Stéphane Boulay ne comprend pas le tollé qui entoure le lancement de la nouvelle bière de Labatt.

«On lance un nouveau produit dans un segment en pleine croissance qui complète notre portefeuille et offre plus de choix au consommateur. Point.»

Peter McAuslan, de la brasserie McAuslan, ne voit pas les choses du même oeil. Le brasseur vient de lancer une campagne intitulée «méfiez-vous des faux saints» -un avertissement, regardez comme il faut l'orthographe, qui ne vise pas les filles sexy des commerciaux de Labatt.

M. McAuslan a fait parvenir un avertissement légal à Labatt lui demandant de retirer la Saint-Urbain des tablettes. Il trouve que le nouveau produit ressemble un peu trop à sa propre marque vedette, la Saint-Ambroise.

«Nous ne pouvons pas contrôler tous les noms de bière qui commencent par «saint», admet-il. Mais il faut regarder le contexte. Ils utilisent, comme nous, le nom d'une rue de Montréal. Dans notre marketing, nous avons utilisé une enseigne avec le nom de la rue Saint-Ambroise. Et, surprise surprise, Labatt utilise une grosse enseigne de rue pour vendre la Saint-Urbain.»

Lettre bien reçue par Labatt, qui l'a transmise à ses avocats. «Pour les gens de la ville, Saint-Urbain, c'est une rue, un quartier. Pour les gens en région, c'est un village. C'est cette notion de proximité qu'on est allé chercher», dit M. Boulay.

Normand Turgeon, professeur de marketing à HEC Montréal, juge le débat intéressant. Il rappelle qu'aux États-Unis, Chrysler-Jeep n'a pas réussi à convaincre les juges qu'Hummer lui avait volé sa marque de commerce en fabriquant un camion dont la devanture était striée de sept fentes comme le sien.

«Mais compte tenu du fait qu'on a une petite brasserie contre une grosse brasserie, il y aurait peut-être lieu d'avoir un jugement favorable», dit-il.

Une analyse plus approfondie exigerait une revue exhaustive de la jurisprudence, souligne-t-il, Mais de toute façon, les microbrasseurs se soucient peut-être moins de gagner leur cause que de la faire connaître.

«Ça s'apparente à du marketing de guérilla. On travaille l'opinion publique pour créer un genre d'anti-buzz autour du nouveau produit», dit-il.

À l'aube de l'été, l'Association des microbrasseurs du Québec craint une guerre de prix et de positionnement qui ne se jouerait pas à armes égales avec un géant comme Labatt.

Déjà, jeudi, La Presse Affaires a constaté que des représentants de l'entreprise s'activent dans les dépanneurs à positionner leur produit. «Près de la chambre froide, ici, ce sont les meilleurs tablettes du dépanneur», a lancé l'un d'eux devant un étalage des nouvelles caisses rouge et bleu.

Prix de vente suggéré pour la Saint-Urbain? Il s'élève à 8,99$ pour la caisse de 6, et à 15,99$ pour la caisse de 12.