Alors que les fermetures d'usine se multiplient dans le textile et le vêtement au Québec, des entreprises améliorent leurs perspectives de survie en prenant le virage des textiles techniques.

Alors que les fermetures d'usine se multiplient dans le textile et le vêtement au Québec, des entreprises améliorent leurs perspectives de survie en prenant le virage des textiles techniques.

Ce virage fait quand même des victimes: comme il s'agit d'une production de niche, à moins grande échelle, il faut moins d'employés.

" Dans les années 90, nous avions autour de 70 employés au Québec, a déclaré Nicolas Juillard, président de J.B. Martin, entreprise de Saint-Jean-sur-Richelieu fondée en 1832. Nous sommes descendus à 45, mais si nous n'avions pas fait ce virage, nous en aurions zéro. "

En 2004, J.B. Martin a cessé de produire du velours à son usine de Saint-Jean-sur-Richelieu, réservant cette activité à ses usines des États-Unis et du Mexique. Au Québec, l'entreprise se concentre maintenant sur des textiles spécialisés qui entrent dans la fabrication de vêtements de protection et de matériaux composites. On retrouve de tels matériaux dans les embarcations, les avions, même les pales d'éoliennes.

" L'éolienne, c'est un des marchés qu'on vise, a indiqué M. Juillard. C'est un marché qui existait surtout en Europe et dans l'ouest des États-Unis. Mais maintenant qu'Hydro-Québec veut s'y mettre, on veut le capter. "

J.B Martin participe depuis hier à l'exposition Hightex 2006, organisée par le Groupe CTT, organisme à but non lucratif voué au transfert technologique dans le domaine du textile, et la Revue du textile. Pour bien marquer le caractère hautement technologique des nouveaux débouchés du textile, CTT a tenu à organiser l'événement au Centre des sciences de Montréal.

À l'heure actuelle, l'industrie canadienne du textile représente un chiffre d'affaires de près de 9 milliards de dollars. Contrairement à ce qu'on peut croire, seulement 24 % des textiles produits au Canada sont destinés à la confection de vêtements.

" Cette proportion diminue chaque année, a affirmé Richard Cormier, vice-président aux services commerciaux du Groupe CTT. Lorsqu'on entend parler de fermeture d'usines, c'est surtout dans ce secteur. "

Il explique que c'est un secteur principalement basé sur le modèle de production à haut volume, soit le modèle que suivent des pays comme l'Inde, la Chine et le Pakistan.

On estime que 22 % des textiles produits au Canada sont destinés aux produits d'aménagement intérieur, 27 % aux tapis et 27 % aux produits industriels.

" Ce dernier secteur va connaître une bonne croissance au cours des 10 prochaines années ", a soutenu M. Cormier.

Consoltex a également pris le virage technologique. L'entreprise, qui a déjà compté sept usines au Canada, n'en exploite plus que deux et a totalement délaissé les textiles " non techniques ". Elle compte toutefois encore près de 500 employés.

Le vice-président aux services techniques de l'entreprise, François Lapierre, a mentionné qu'il avait longtemps travaillé au sein de Dominion Textile. L'entreprise, qui a compté jusqu'à 23 usines, n'existe plus.

" Si on veut survivre, il faut faire le virage, a lancé M. Lapierre. Il faut retrousser ses manches, aller ailleurs. "

Consoltex fabrique maintenant des textiles pour l'industrie de la défense, le monde médical et l'industrie en général. Bien sûr, il y a eu des pertes d'emplois parce que les volumes de production ont diminué.

" Il ne faut pas penser que les dirigeants ne sont pas sensibles à cela, a soutenu M. Lapierre. Je fais partie de la quatrième génération de ma famille à travailler dans le textile, je suis conscient de cette réalité. C'est un dilemme difficile. "

Ironie du sort, la Chine, qui a provoqué maintes fermetures d'usines de textiles traditionnels, apparaît maintenant comme un marché alléchant pour les entreprises de textiles techniques.

" C'est un marché de 30 milliards US, affirme Richard Cormier. Mais le pays ne réussit pas à combler 50 % de ses besoins. "

Déjà, Consoltex a deux employés à Shanghai. Pas pour acheter des produits, mais pour en vendre.

Quant à J.B. Martin, elle vend déjà dans des pays asiatiques comme le Japon et la Corée du Sud. " Le marché asiatique, on peut aller le chercher ", affirme M. Juillard.

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