Benoit Laliberté est un raconteur. Il enchaîne les noms, décrit les lieux et l'ambiance des réunions, parle de Porsche et de Renoir. Mais dans toute son histoire, il lui manque un élément crucial: la preuve écrite de ce qu'il avance.

Benoit Laliberté est un raconteur. Il enchaîne les noms, décrit les lieux et l'ambiance des réunions, parle de Porsche et de Renoir. Mais dans toute son histoire, il lui manque un élément crucial: la preuve écrite de ce qu'il avance.

Hier, l'absence d'un document écrit a été l'un des éléments marquants de son procès contre le courtier Marc Beaudoin. Le PDG déchu de la firme Jitec réclame à Marc Beaudoin et à son ex-employeur, Canaccord Capital, des centaines de milliers de dollars pour une transaction réalisée le 25 septembre 2000. Or, les conditions de cette transaction n'ont fait l'objet d'aucune mention écrite reconnue, ni dans un contrat, ni dans un courriel, ni dans une lettre.

Rappelons le contexte. Benoit Laliberté est ce flamboyant entrepreneur qui a lancé la firme techno Jitec, en 2000. L'entreprise a alors explosé en Bourse avant de s'aplatir comme une crêpe. Poursuivi par les autorités boursières, Benoit Laliberté a été reconnu coupable, au début de 2008, d'avoir trompé les investisseurs, ce qui lui a valu une amende de 893 000$.

Pour sa défense, Benoit Laliberté a notamment justifié ses agissements en Bourse par le fait que des investisseurs externes tentaient de tirer profit d'une chute de l'action de Jitec. Hier, la transaction contestée portait justement sur des actions achetées et peut-être vendues par le financier Herbert Black et le courtier Marc Beaudoin.

Un souper chez Black

Le 14 septembre 2000, Benoit Laliberté dit s'être fait appeler au cellulaire par Marc Beaudoin, de Canaccord. «Viens donc souper chez Herbie, le 19 septembre. On va discuter affaires, ça vaut la peine. Anyway, viens voir sa belle maison de Westmount et son Renoir», aurait-il dit à Benoit Laliberté.

Le repas aurait mené à une transaction par laquelle Herbert Black et un client de Marc Beaudoin s'engageaient à lui acheter privément 400 000 actions à 6,50$. Benoit Laliberté affirme avoir accepté cette transaction à un prix moindre que le marché (9,50$) à la seule condition que les acheteurs s'engagent à ne pas les vendre avant un an.

La transaction a finalement eu lieu le lundi 25 septembre, chez Canaccord, pour la somme de 1,8 million. Le hic, c'est que Benoit Laliberté ne disposait que d'un certificat de 500 000 actions. Marc Beaudoin lui aurait alors promis de lui remettre les 100 000 actions de trop le lendemain ou encore de lui remettre 650 000$. Benoit Laliberté n'a jamais reçu cette somme, qu'il réclame depuis.

Hier, l'avocat de Canaccord a rappelé au juge qu'une preuve verbale (le témoignage de Laliberté) n'est admissible qu'avec un début de preuve écrite. Or, ces conditions (un an avant de vendre et remise de 100 000 actions) ne sont écrites nulle part. Le juge Lalonde a donné la chance au coureur, bien qu'il se soit lui aussi interrogé sur l'absence de documents.

Benoit Laliberté a justifié cette absence par le fait qu'il avait pleinement confiance en Canaccord Capital - la firme qui l'a propulsé en Bourse - et qu'au bout du compte, ces 400 000 actions ne représentaient alors que 1% du nombre d'actions qu'il détenait personnellement.

Benoit Laliberté dit avoir compris les motifs cachés du duo Beaudoin-Black le jeudi 28 septembre. Une demi-heure avant l'ouverture, la Bourse l'aurait avisé qu'un vendeur tentait de se défaire d'un bloc de 100 000 actions de Jitec, ce qui aurait pour effet de faire chuter le titre.

M. Laliberté dit avoir appris que c'est le duo Black-Beaudoin qui voulait se défaire de ces actions afin de couvrir une vente à découvert réalisées quelques jours plus tôt. Les 100 000 actions aurait été prises à même la réserve de 500 000 actions cédées le 25 septembre, actions qui devaient pourtant ne pas être vendues avant un an.

Fait intéressant, la transaction de 500 000 actions a notamment été réalisée par l'entremise de la firme Oster Services, des Bahamas, représentée par le financier Martin Tremblay, un ami de Marc Beaudoin. Benoit Laliberté affirme que le véritable bénéficiaire du compte de Oster est Marc Beaudoin lui-même, qu'il décrit comme «LE» courtier offshore à Montréal. Marc Beaudoin nie être le véritable bénéficiaire de Oster.

Hier, le courtier CIBC Wood Gundy a été sommé de rendre publics certains documents qui pourraient nous en apprendre plus sur la trace des 500 000 actions. On en saura plus aujourd'hui à ce sujet.