Les exportations ont fait trébucher l'économie au quatrième trimestre, et en décembre en particulier, mais la Banque du Canada est bien placée pour la relever.

Les exportations ont fait trébucher l'économie au quatrième trimestre, et en décembre en particulier, mais la Banque du Canada est bien placée pour la relever.

Elle devra faire preuve de doigté cependant, car son action ne portera ses fruits que durant la deuxième moitié de l'année.

Le nouveau gouverneur Mark Carney et ses collègues prendront surtout en considération le ralentissement du rythme d'inflation au cours des derniers mois.

En janvier, l'indice des prix à la consommation voguait à 2,2% en rythme annuel. Sans composantes volatiles, il avançait à 1,4% seulement, soit bien en deçà des 2% que vise la Banque.

Nonobstant la faiblesse des exportations et la surchauffe de la demande intérieure, la faible inflation peut justifier une baisse de 25 ou de 50 centièmes du taux directeur ce matin (mardi).

Les investisseurs sur le marché monétaire ont plutôt misé hier sur une baisse d'un demi-point puisqu'ils ont largué leurs dollars canadiens. Le huard a perdu 40 centièmes d'équivalence et valait 101,18 cents US à la fermeture des marchés.

Autant d'arguments militent en faveur d'une baisse légère ou musclée qui ramènerait le taux directeur à 3,75% ou à 3,50%.

Les tenants d'un allègement de 50 centièmes, qui serait le premier depuis 2001, soutiennent que l'économie est en panne, sans élan aucun, en ce début de 2008, ce qui présage un piètre premier trimestre. La banque centrale prévoit d'ailleurs à peine 0,6% d'expansion cet hiver.

Les données du produit intérieur brut (PIB) réel de décembre, publiées hier par Statistique Canada, font état d'une contraction de 0,7% en décembre, qui a surpris même les esprits les plus chagrins. Il s'agit en fait du pire repli mensuel depuis août 2003, quand l'Ontario avait connu une panne de courant d'une semaine.

C'est fois-ci, c'est tout comme. Le secteur de la fabrication a chuté de 3,2% au cours du mois, le pire recul depuis décembre 2001. Il a été plombé par le plongeon de 27% de l'industrie automobile, le pire depuis la récession de 1990.

Le gros de la production automobile ontarienne est destiné au marché déprimé des États-Unis.

Mince consolation, indique l'agence fédérale, «il y a eu reprise partielle de la production de véhicules automobiles en janvier» et la nouvelle usine Toyota à Woodstock doit bientôt ouvrir.

Le recul de la production manufacturière était généralisé, 17 des 21 sous-secteurs ayant battu en retraite. Le commerce de gros a aussi souffert de la faiblesse de la production automobile.

Un malheur n'arrivant jamais seul, le mauvais temps a aussi écorné le nombre de mises en chantier qui ont cependant rebondi en janvier.

«Le Canada n'est pas aussi immunisé que l'on pourrait le penser contre le ralentissement de la demande américaine et l'appréciation du huard», note Benoit P. Durocher, économiste senior chez Desjardins.

Il voit dans cette mauvaise fin d'année un argument supplémentaire pour une réduction «plus musclée» du taux directeur.

Décembre a considérablement ralenti la croissance trimestrielle du PIB calculée sur la base des comptes nationaux, c'est-à-dire en tenant compte notamment aussi de la balance commerciale.

La baisse de 8,5% des exportations a limité l'expansion économique à seulement 0,8% sur une base annuelle, soit à peine plus que le score de 0,6% de l'économie américaine.

Durant l'été, notre économie avait grossi de 3,0%. La Banque du Canada évaluait à 1,5% la croissance cet automne dans son dernier scénario financier, en janvier.

«L'économie est passée de la cinquième à la deuxième vitesse en un cours laps de temps, renchérit Sébastien Lavoie, économiste chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. Dans le centre du pays (Québec et Ontario) l'activité économique a sans doute diminué.»

Surchauffe des dépenses intérieures

Ceux qui préconisent que la Banque centrale pratique une médecine douce font valoir que s'il n'y a pas découplage de notre économie de l'américaine, force est de constater qu'il y a asymétrie.

Seul le commerce extérieur permet aux États-Unis d'échapper jusqu'ici à la récession alors que seuls nos échanges avec le reste du monde ralentissent la nôtre.

Les exportations nettes ont retranché 6,4 points de pourcentage à la croissance, mais la demande intérieure finale l'a gonflée de 6,9%. Tant les ménages (7,4%), que les entreprises (7,2%) et les administrations publiques (6,7%) ont consommé biens et services en tout genre.

«On n'assiste à pareille surchauffe des dépenses intérieures qu'une fois par décennie, rappelle Douglas Porter, économiste en chef chez BMO Marchés des capitaux. En général, cela signale des hausses de taux énergiques, pas des baisses.»

La faible expansion de l'automne porte quand même à 2,7% la croissance de l'économie en 2007, contre 2,8% en 2006.

Si le rythme de la consommation du dernier trimestre paraît insoutenable, les Canadiens seront tentés de dépenser encore cet hiver grâce à la baisse de TPS, des diminutions d'impôt et à leur pouvoir d'achat accru.

À elles seules, les mesures fiscales fédérales d'octobre et de février valent 1,4% du PIB, rappelle Stéfane Marion, économiste en chef adjoint à la Financière Banque Nationale.

«Nous ne considérons pas les données (du PIB) comme assez faibles pour justifier une accélération du rythme de la détente pratiquée par la Banque du Canada», affirme-t-il.

Taux d'intérêt: faites vos jeux

Selon un sondage de l'agence Bloomberg auprès de 26 experts, le nouveau gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, devrait abaisser les taux d'intérêt aujourd'hui (mardi).

Mais les opinions sont partagées en deux camps égaux pour ce qui est de l'ampleur de cette baisse.

-0,25%: les raisons

Le taux de chômage est à un creux en 33 ans

Les salaires progressent rapidement

L'argent brûle les poches du consommateur

Le marché de l'habitation n'est pas en crise comme aux États-Unis

-0,50%: les raisons

L'inflation et la croissance décélèrent depuis plusieurs mois

La tendance à la baisse des prix des importations va continuer

Les détaillants se livrent une chaude concurrence dans plusieurs secteurs, dont l'épicerie, le vêtement et l'automobile

La force du huard fait en revanche très mal aux exportateurs.