Des REER? Bof Est-ce vraiment utile? Martin s'interroge...

Des REER? Bof Est-ce vraiment utile? Martin s'interroge...

Âgé de 38 ans, il gagne 69 000$ par année. Sa conjointe Karine, qui a cinq ans de moins, touche un salaire de 20 000$. Ils sont parents de deux enfants.

La plus grande part de leur budget est consacré au paiement d'une hypothèque de 130 000$ amortie sur les prochains 20 ans, qu'ils remboursent à raison de 12 000$ par année.

L'essentiel de leur revenu est dépensé, et ils aimeraient maintenir le même rythme de vie à leur retraite.

Martin et Karine ont respectivement accumulé 100 000$ et 7000$ dans leurs comptes REER. Martin bénéficie en outre d'un régime de retraite complémentaire avec son employeur.

Mais voilà, un de ses amis, qui travaille en comptabilité, ne croit pas aux vertus des REER, ce qui a instillé le doute dans son esprit.

«Pensez-vous vraiment qu'il est si important de reporter le paiement d'impôt à plus tard en prenant des REER?», demande-t-il.

«Que vais-je faire à 70 ans avec 500 000$de REER? Je devrai en sortir 10% et j'en donnerai la moitié aux gouvernements car j'aurai déjà une pension de retraite privée, le RRQ et la Sécurité de la vieillesse»

Le juste équilibre

Daniel Laverdière et Sylvain Chartier, directeur principal et directeur de la planification fiscale de Planification financière Banque Nationale, entendent souvent de belles interrogations à propos des REER.

Certaines personnes ne veulent pas restreindre leur train de vie aujourd'hui pour assurer une certaine qualité de vie dans un avenir hypothétique.

«Vivre trop au présent imposera des sacrifices plus tard, qui ne seront pas moins douloureux que ceux d'aujourd'hui», soulignent les deux planificateurs.

D'autres, à l'inverse, mènent une vie ascétique dans la crainte d'une retraite insuffisamment pourvue.

Le risque, cette fois, est d'accumuler un capital de retraite disproportionné, qui sera encore considérable au décès, et qui sera légué trop tard pour aider les enfants, eux-mêmes engagés dans leur retraite.

Bref, il faut un équilibre. Martin et Karine l'ont-ils déjà atteint? Est-il temps de cesser toute contribution aux REER?

«Dans le cas présent, l'élément clé est la bonne compréhension de la caisse de retraite», commente Daniel Laverdière.

Selon les données que Martin a transmises aux deux planificateurs, son régime complémentaire de retraite devrait lui procurer une rente de 24 000$ à 60 ans.

Le conditionnel est important: les données ont été transmises à nos planificateurs au téléphone, et Martin, ayant entre-temps égaré son relevé, n'a jamais pu le leur faire parvenir. Ils doutent de la justesse des renseignements.

Ils doivent donc avancer avec précaution sur la voie des projections. D'ici sa retraite, supposent-ils, la rente de Martin devrait s'accroître avec son salaire.

«Par la suite, il semble n'y avoir aucune indexation ni intégration avec le régime de rentes du Québec», observent nos experts.

Ils ont lancé leur machine à voyager dans le temps, en posant l'hypothèse d'un rendement moyen de 6% sur les placements et d'une inflation de 2%.

«Si toutes les informations sont exactes, observent-ils, il semble que le REER déjà accumulé soit presque suffisant pour maintenir le niveau de vie actuel, indexé au coût de la vie, jusqu'au décès.»

Presque

Dans ces conditions, le capital serait en pratique épuisé vers 2062, alors que Karine aura atteint 87 ans. Or, la ligne d'arrivée est habituellement tracée à 90, voire 95 ans.

Cet écart est-il suffisamment mince pour abandonner désormais toute contribution REER et profiter de la vie au maximum?

«Peut-être que non, pour les raisons suivantes», répondent les planificateurs.

L'imprécision des données fournies par Martin, notamment sur son régime de retraite, ne leur permet pas d'être catégoriques.

«Il faudrait faire confirmer le tout par le service des ressources humaines de son employeur», indiquent-ils.

Il serait prudent de prévoir «un excédent REER pour contrer des périodes de rendement décevant, une forte période d'inflation ou une durée de vie hors de l'ordinaire».

Au terme de l'hypothèque, dans 20 ans, les 12 000$ versés chaque année deviendront disponibles, mais d'autres engagements financiers seront peut-être nécessaires pour la toiture, les fenêtres ou d'autres projets de rénovation majeure.

Par ailleurs, rien n'assure que Martin conserve son emploi jusqu'à la retraite.

Enfin, ce scénario ne laisse aucune place à une augmentation inattendue des dépenses de loisir ou des frais de santé à la retraite.

En somme, il vaudrait mieux prévoir une cotisation de 2000 à 3000$ par année. Le couple se prémunirait ainsi contre les incertitudes.

«La précision de l'information, c'est le coeur du problème», rappelle Sylvain Chartier.

C'est pourquoi il faut conserver en lieu sûr les relevés de placements et les états de participation à la RRQ et au régime de retraite de l'employeur.

«Si on répond sur des à-peu-près, conclut Daniel Laverdière, ce n'est utile en rien pour le client.»

LA QUESTION

Martin doute de l'utilité des REER. À 39 ans, le sien est déjà bien garni et il bénéficie d'un régime complémentaire de retraite avec son employeur. Le temps est-il venu de cesser ses cotisations ?

«Certains compagnons de travail ne pensent qu'à remplir leur REER et d'autres sont endettés jusqu'au cou malgré des salaires de 70 000$ à 90000$ par année», dit Martin.

LES CHIFFRES

Martin 39 ans

Revenu: 69 000$ REER: 100 000$

Régime complémentaire de retraite: rente de 24 000$ à 60 ans

Karine 33 ans

Revenu: 20 000$ REER: 7000$

Régime complémentaire de retraite: aucun

LA RÉPONSE

D'après les renseignements qu'il a fournis, Martin peut presque cesser ses cotisations. Mais ces données sont incertaines. Bien des imprévus peuvent survenir pendant les 20 prochaines années. Bref, encore un petit effort de 3000$ par année

«La cotisation REER procure un avantage fiscal certain; il faut y penser deux fois avant d'y renoncer.»