Même si elle reconnaît que l'affaire Norbourg est «un scandale financier sans précédent», la Cour supérieure a réduit de trois ans et demi la peine imposée à Vincent Lacroix, hier.

Même si elle reconnaît que l'affaire Norbourg est «un scandale financier sans précédent», la Cour supérieure a réduit de trois ans et demi la peine imposée à Vincent Lacroix, hier.

Le financier déchu purgera huit ans et demi de prison au lieu des 12 ans moins un jour qui lui avaient été imposés en janvier. Une décision qui enrage les 9200 investisseurs et épargnants qu'il a roulés.

Puisque Lacroix en est à sa première condamnation, et qu'il s'agit d'un crime non violent, il sera admissible à la libération conditionnelle au sixième de sa peine, soit 17 mois. Comme il est en prison depuis janvier, il pourrait être libéré dans moins d'un an.

«Je trouve ça abominable, dénonce Michel Vézina, l'un des épargnants floués. Les lois sont trop molles au Québec. Elles aident les gens malhonnêtes plutôt que les gens qui sont mal pris comme nous.»

Ce résidant de Saint-Hubert, sur la Rive-Sud, a dû quitter la retraite et trouver un emploi après avoir perdu 300 000$. Il a 69 ans.

La Montréalaise Chantal Couture, qui a perdu près de 50 000$ avec l'effondrement de Norbourg, a dû changer de métier pour refaire ses pertes. Désormais, elle investit ses économies dans l'immobilier, ne faisant plus confiance aux fonds d'investissement.

«Nous, on en a pour beaucoup plus de 25 ans à vivre en prison à cause de ce qu'il a fait, déplore-t-elle. Douze ans moins un jour, ce n'était déjà pas assez.»

Peines consécutives

En décembre, le juge Claude Leblond a reconnu Lacroix coupable des 51 chefs d'accusation qui pesaient sur lui. Lorsqu'il a rendu sa sentence, le mois suivant, il a séparé les accusations en trois groupes et additionné les peines.

L'ex-PDG a ainsi écopé de cinq ans moins un jour pour manipulation de titres, 42 mois pour production de faux documents à l'Autorité des marchés financiers, et 42 mois de plus pour avoir publié de fausses informations en se conformant aux lois provinciales. Le total : 12 ans moins un jour, plus une amende de 255 000$.

Vincent Lacroix a fait appel de la sentence. Et dans un jugement rendu hier après-midi, le juge André Vincent lui donne raison : il reconnaît que la peine était excessive. «Il n'était pas justifié, dans les circonstances, de créer deux catégories distinctes dans la fabrication des faux documents», écrit le magistrat.

«Ce faisant le premier juge s'écarte du principe de la concurrence des peines, ajoute-t-il. De plus, la peine devient exagérée dans le cadre d'une poursuite en vertu d'une loi pénale provinciale.»

La peine de prison est donc allégée de 42 mois, à la grande satisfaction de Me Clemente Monterosso, qui représente Vincent Lacroix. «Ça reste une sentence sévère, affirme-t-il. Mais elle est moins disproportionnée que la peine de 12 ans».

L'avocat n'entend pas conseiller à son client de porter l'affaire en appel lorsqu'il le rencontrera cet après-midi.

De son côté, l'Autorité des marchés financiers, qui avait intenté les procédures contre Lacroix, se dit déçue de la tournure des événements. Le régulateur analyse le jugement d'hier et étudie la possibilité de le contester, indique son porte-parole, Christian Barrette.

La ministre des Finances Monique Jérôme-Forget, en vacances à l'extérieur du pays, n'était pas disponible pour commenter la décision.

Des procédures criminelles

Malgré cette victoire, Vincent Lacroix n'en a pas fini avec les tribunaux. Le 18 juin, au terme d'une enquête de plus de trois ans, la GRC a déposé 922 chefs d'accusation pour fraude, fabrication de faux et blanchiment d'argent contre l'ancien président de Norbourg et cinq présumés complices.

Les accusés se présenteront à la Cour supérieure le 8 septembre prochain afin de fixer la date du procès, qui devrait avoir lieu devant juge et jury. Les procédures pourraient toutefois être retardées, estime Me Monterosso, puisque la poursuite ne lui a pas encore communiqué la preuve qui sera utilisée contre son client.

"Honnêtement, j'espère que le côté criminel va compenser pour cette perte, indique Jacques Dodier, un investisseur qui a perdu une fortune dans la chute de Norbourg. Je pense que le crime a fait mal à des milliers de personnes et ce n'est pas le bon message qu'on passe aux bandits en cravate."