Entre la dinde et le digestif des repas des Fêtes, plusieurs Québécois ont entendu des proches raconter leur embauche instantanée à l'ombre des Rocheuses. Le marché de l'emploi hyperactif de l'Alberta et son faible taux d'imposition valent-ils le déménagement? Témoignages et statistiques.

Entre la dinde et le digestif des repas des Fêtes, plusieurs Québécois ont entendu des proches raconter leur embauche instantanée à l'ombre des Rocheuses. Le marché de l'emploi hyperactif de l'Alberta et son faible taux d'imposition valent-ils le déménagement? Témoignages et statistiques.

Au printemps 2006, Stephan St-Laurent, comptable de Québec, a fait un saut à Calgary pour louer une maison. Au retour, il a vendu la sienne et il a quitté l'emploi qu'il occupait depuis sept ans.

En mai, il a plié bagage avec sa conjointe et leurs deux enfants et ils ont parcouru 4000 kilomètres pour trouver un emploi à Calgary et s'y établir.

Un mois plus tard, le jeune papa avait déjà déniché un poste. Il a, depuis, changé deux fois d'employeur.

«Dès mon deuxième emploi, j'ai doublé le revenu net que je faisais avant mon départ de Québec, en plus d'avoir de plus longues vacances ainsi que des congés et des horaires flexibles», dit-il.

En 2007, il a lancé le carnet web www.unquebecoisdanslouest.blogspot.com et le nourrit régulièrement d'informations sur différents aspects de l'économie de sa terre d'accueil.

Le goût de l'aventure

Ironiquement, c'est beaucoup moins la perspective de salaires élevés et le manque de travail que le goût de l'aventure et de la découverte qui ont poussé la famille St-Laurent à prendre la route vers l'Ouest.

«Je pourrais encore travailler dans l'entreprise de Québec où j'étais depuis sept ans, note Stephan St-Laurent. En venant ici, j'ai réalisé mon rêve d'enfance de voir du pays et découvrir d'autres cultures. Je voulais aussi offrir le bilinguisme en héritage à mes enfants.»

Ses deux mousses fréquentent une école publique francophone qui accueille 25 enfants de plus que l'an dernier.

Ils viennent en majorité du Québec. À la rentrée scolaire de septembre 2007, les écoles francophones de Calgary ont accueilli sept nouveaux enseignants en provenance de la Belle Province.

La bougeotte généralisée

Avec ses trois emplois en deux ans, Stephan St-Laurent n'a rien d'une exception. «C'est la mode à Calgary de changer fréquemment d'emploi, y compris chez les professionnels», dit-il.

Pour les chercheurs d'emplois manuels ou non spécialisés, l'embauche est conclue en quelques minutes. Des récits de recrutement instantané sont d'ailleurs nombreux sur le site www.quitterlequebec.com, déniché par un lien du carnet de M. Saint-Laurent.

Un dénommé François, menuisier de son métier, raconte s'être trouvé un emploi en deux heures au taux de 15$ de l'heure, même s'il ne parlait pas l'anglais à son arrivée. Son message voisine avec des dizaines de récits du genre.

Des bémols

«Même si ces témoignages sont véridiques, il ne faut pas s'imaginer qu'on puisse trouver de l'or sur les trottoirs de Calgary, prévient Stephan St-Laurent. Il faut travailler fort pour mériter son salaire. Et les tire-au-flanc n'ont pas de syndicat pour les protéger.»

De plus, les coûts très élevés du logement grugent en partie les revenus plus élevés.

«Plusieurs de ceux qui sont venus ici uniquement pour l'argent retournent au Québec parce qu'ils ne supportent pas l'éloignement de leur famille ou la culture anglophone», dit-il.

Stephan St-Laurent, lui, ne voit pas le jour où il quittera l'Alberta et n'est pas inquiet du «certain» ralentissement de l'économie.

«Ce n'est rien de comparable à la situation du Québec. Plusieurs de mes proches sont actuellement touchés par les crises du bois d'oeuvre et de l'industrie porcine. C'est désolant.»

Contrairement à certains économistes, ce comptable ne saute pas de joie devant les statistiques des derniers mois sur l'emploi et le revenu dans sa terre natale.

Pendant l'automne 2007, le taux de chômage au Québec a en effet reculé sous la barre des 7% pour la première fois depuis 20 ans.

La plus récente édition de l'étude Emploi, gains et durée du travail de Statistique Canada révèle par ailleurs que plus de 30 000 emplois se sont ajoutés dans les entreprises du Québec pendant les 10 premiers mois de 2007.

Cette étude confirme une tendance bien connue du marché de l'emploi, soit la baisse importante du secteur manufacturier, avec des pertes de plus de 60 000 emplois entre janvier 2003 et octobre 2007.

Pendant la même période, près de 200 000 emplois se sont toutefois ajoutés dans le secteur des services, dont près de 75 000 dans le commerce de détail, près de 15 000 dans l'hébergement et la restauration et quelque 10 000 dans les services aux entreprises.

Ces données réjouissantes d'un point de vue macroéconomique ont suscité beaucoup moins d'intérêt dans les soupers des Fêtes que les anecdotes liées à d'autres données de cette même étude, soit les conditions fort différentes des emplois perdus et créés.

En octobre 2007, toujours selon Statistique Canada, le revenu hebdomadaire moyen du manufacturier québécois était de 873,18$ alors qu'il était de 438.62$ dans les magasins et de 323.82$ dans les hôtels et les restaurants du Québec.

L'indice McDo

À Noël ou au jour de l'An, la visite de l'Ouest, elle, racontait que le salaire de base dans les McDo de Calgary dépassait les 13$ de l'heure.

Et Statistique Canada dévoilait quelques jours plus tôt un écart de 125$ par semaine entre le revenu moyen hebdomadaire en Alberta et au Québec en octobre 2007 (853.89$ versus 724.49$).

Qu'ils s'appuient sur les anecdotes ou les statistiques, un nombre grandissant de Québécois sans emploi pourraient donc décider de prendre la route vers les Rocheuses en 2008.