Il y a fort à parier que la Banque du Canada n'hésitera pas demain à abaisser son taux directeur de 50 centièmes, même si certains observateurs souhaitent un geste moins énergique.

Il y a fort à parier que la Banque du Canada n'hésitera pas demain à abaisser son taux directeur de 50 centièmes, même si certains observateurs souhaitent un geste moins énergique.

Cette quatrième baisse d'affilée le porterait à 3%, soit 150 points centésimaux de moins qu'avant le début du présent mouvement de détente monétaire. L'assèchement des liquidités et le durcissement des conditions de crédit l'avaient déclenché.

Depuis l'éclatement de la crise du crédit à la mi-août, les conditions économiques se sont détériorées en Occident, au point de précipiter les États-Unis en récession.

Jusqu'ici, ses répercussions au Canada touchent les exportateurs. Toutefois, il y a quasi-unanimité chez les experts: plus les États-Unis mettront du temps à se sortir du marasme, plus l'économie canadienne pâtira.

Les perspectives

Or, les perspectives d'une rapide relance dès l'été s'estompent jour après jour. D'aucuns, à commencer par le Fonds monétaire international, pensent maintenant que la première économie du monde aura besoin de toute l'année 2009 pour se rétablir complètement des crises de l'habitation et du crédit qui l'affligent.

Par conséquent, la Banque du Canada nous apprendra sans doute aussi cette semaine qu'elle révise à la baisse son scénario de croissance pour l'année en cours, et surtout pour 2009.

Dans la «Mise à jour» de janvier de son Rapport sur la politique monétaire, elle estimait que l'expansion allait atteindre 1,8% cette année et accélérer jusqu'à 2,8%, l'an prochain.

Prévisions révisées à la baisse

Ces prévisions pour 2008 avaient été révisées à la baisse par rapport à celles de l'automne (2,3%) parce que les conditions de crédit mettaient plus de temps que prévu à se rétablir tout comme le marché de l'habitation.

Les institutions financières canadiennes paraissent moins mal prises que les américaines dans la tourmente présente.

À preuve, elles refilent en partie à l'emprunteur hypothécaire les bienfaits de l'allègement monétaire consenti par la banque centrale, ce que les banques américaines hésitent à faire.

En revanche, la livraison printanière de l'Enquête sur les perspectives des entreprises (EPE) menée par la Banque révélait la semaine dernière que les entreprises considèrent pour la troisième fois d'affilée que les conditions de crédit se sont resserrées depuis l'été.

C'est de mauvais augure quand elles indiquent par ailleurs à Statistique Canada qu'elles ont l'intention de beaucoup investir cette année, notamment pour accroître leur productivité, le grand incompris de l'économie canadienne.

Nouvelle prise en pension

Mercredi, la Banque a pris l'initiative d'une nouvelle prise en pension de deux milliards pour 28 jours «afin d'assurer un apport continu en liquidités à l'appui du fonctionnement efficace des marchés financiers». Elle ajoutait ne pas en écarter d'autres, si nécessaire.

En décembre, puis en mars, la Banque avait procédé à deux autres rondes de prises en pension ayant totalisé 4 milliards chacune. Il s'agissait alors d'une action concertée avec la Réserve fédérale américaine, la Banque centrale d'Europe, la banque d'Angleterre et la Banque nationale suisse.

Cette fois-ci, la Banque du Canada a agi seule. On peut présumer que les banques auraient payé plus cher si elles avaient dû se financer de manière classique sur le marché obligataire.

Plus tôt dans la semaine, la Banque d'Angleterre avait aussi lancé une opération de prise en pension pour laquelle elle a eu trois fois plus de demandes que ce qu'elle était prête à offrir!

Bref, même si à Wall Street on parie que le gros de la crise est passé, les banques ont toujours du mal à financer leurs opérations courantes. Leurs clients en font ultimement les frais.

Plusieurs analystes financiers font aussi valoir que la Banque du Canada a toute la latitude voulue pour abaisser son taux, compte tenu des modestes pressions inflationnistes de ce côté-ci de la frontière.

Courte durée

Ce pourrait être cependant de très courte durée. Les bienfaits de la force du huard sur les biens importés ne dureront qu'un temps tandis que la cherté des produits de base se fait sentir dans le coût des intrants des entreprises, comme le montrait aussi l'EPE.

En outre, il n'est pas certain que le ralentissement de l'économie américaine fasse tomber de sitôt le prix des métaux industriels, de l'énergie ou des céréales. Vendredi, le baril d'or noir flirtait avec les 117$US malgré la bonne tenue du billet vert face à l'euro.

Un chiffre permet de comprendre les prix vertigineux. Les ventes au détail au mois de mars en Chine ont progressé de 21,5%.

S'il est vrai qu'un allègement monétaire prend de six à huit mois pour stimuler efficacement l'économie, le même délai vaut pour qu'un resserrement puisse contenir la marche des prix.

Mine de rien, il n'est pas impossible que le Canada se dirige lui aussi, mais avec un certain décalage sur les États-Unis, vers une croissance anémique jumelée à une reprise de l'inflation.