La City de Londres est touchée de plein fouet par la crise actuelle. Des analystes estiment qu'entre 10 000 et 20 000 des 350 000 personnes qui travaillent dans le domaine de la finance pourraient perdre leur emploi cet année.

La City de Londres est touchée de plein fouet par la crise actuelle. Des analystes estiment qu'entre 10 000 et 20 000 des 350 000 personnes qui travaillent dans le domaine de la finance pourraient perdre leur emploi cet année.

«Tout le mois de février, nous sommes restés assis à ne rien faire, explique un courtier en produits dérivés qui préfère garder l'anonymat. Ce n'est pas aussi plaisant d'aller au boulot dans ces conditions», poursuit-il devant une bière après sa journée de travail dans une grosse banque de Londres.

«Personne n'a le moral en ce moment. Les gens savent qu'ils seront loin de gagner autant cette année que les années précédentes. Les bonus vont fondre et il va y avoir des coupes», continue-t-il, la mine basse. La bonne nouvelle pour lui, c'est que, contrairement à d'autres, son poste n'est pas menacé.

«J'ai confiance, mon service a connu de bons résultats, assure le courtier. Mais c'est sûr qu'il va y avoir des coupes, notamment au service des produits «exotiques» (dérivés plus complexes). Ils ont perdu beaucoup d'argent.»

Les analystes d'Experian Business Strategies prédisent que 20 000 des 350 000 employés de la City vont être remerciés cette année. Un brin moins pessimistes, les économistes du Centre for Economics and Business Research (CEBR) estiment que 10 000 emplois devraient être sabrés.

«Il y a déjà un certain nombre d'entreprises, comme Citigroup par exemple, qui planifient de réduire leurs activités à Londres», souligne Richard Snook, économiste au CEBR.

Selon le Sunday Times, 2000 banquiers et autres courtiers auraient déjà obtenu leur 4% depuis le début de l'année. Les coupes les plus spectaculaires devraient venir des banques américaines qui possèdent d'importants bureaux à Londres.

Bank of America compte abolir son service de courtage pour les valeurs énergétiques à Londres et la rumeur veut que Bear Stearns supprime la majorité de ses 1500 postes à Londres après son rachat par JP Morgan.

Deutsche Bank a déjà supprimé 300 emplois, tandis que le Crédit Suisse et Morgan Stanley devraient faire rouler 150 têtes chacun.

Les secteurs les plus touchés? «Tout ce qui concerne le marché de l'immobilier, commercial ou résidentiel, va être touché, précise Richard Snook. Les investissements bancaires, les fonds spéculatifs et les fonds d'investissements privés, également.»

Vida Ragbir, qui travaillait comme analyste en commerce de détail à New York et qui cherche désormais un emploi dans la City de Londres, remarque que les offres d'emploi ont fondu comme neige au soleil au cours des derniers mois.

«C'est clair qu'il y a moins d'offres en ce moment. Les entreprises sont en train de réévaluer la situation», pense-t-elle. Les salaires proposés sont également moins mirobolants.

«Il va falloir que je réduise mes attentes», déplore-t-elle.

La New-Yorkaise se console toutefois en comparant la City à Wall Street. «La situation est certainement plus difficile à New York. J'ai entendu davantage d'histoires de mises à pied là-bas qu'ici», précise-t-elle.

Si les titres des journaux sont apocalyptiques depuis la spectaculaire débâcle de la banque anglaise Northern Rock en août dernier, la plupart des économistes soulignent que les fondements de l'économie britannique sont relativement sains.

Les taux d'intérêt sont bas et le nombre de chômeurs a même diminué depuis le début de l'année.

«Il y a beaucoup de spéculations en ce moment, mais je ne pense pas que ce qui est arrivé au cours des neuf derniers mois remette fondamentalement en cause les modèles du secteur financier», soutient Richard Snook.

Si les indicateurs économiques ne sont pas catastrophiques, le climat est toutefois morose.

«Là, cela fait une dizaine de jours qu'il ne nous est pas tombé de tuile sur la tête, les marchés commencent à reprendre du mieux. Mais dès qu'une mauvaise nouvelle apparaît, c'est la panique. Il y a beaucoup trop de volatilité», déplore le courtier en produit dérivé.

À la mi-mars, le groupe bancaire HBOS a ainsi perdu 17% de sa valeur à la bourse de Londres en une petite heure sur la foi de rumeurs infondées.

«Il y a un sentiment qu'il y a encore des problèmes à venir. Tout le monde aurait aimé que les mauvaises nouvelles sortent d'un coup. Les gens n'ont plus confiance dans les banques qui sortent les mauvaises nouvelles au compte-gouttes. Cela prolonge l'anxiété et la nervosité», déplore le négociant en finissant sa pinte de bière.