Est-ce à cause de la quarantaine qui approche? À 39 ans, le grand patron du Groupe Pages Jaunes, Marc Tellier, parle des "jeunes d'aujourd'hui qui veulent sauter des étapes". Pas mal pour un homme qui était vice-président de Bell à 29 ans, et PDG du Groupe Pages Jaunes à 33 ans

Est-ce à cause de la quarantaine qui approche? À 39 ans, le grand patron du Groupe Pages Jaunes, Marc Tellier, parle des "jeunes d'aujourd'hui qui veulent sauter des étapes". Pas mal pour un homme qui était vice-président de Bell à 29 ans, et PDG du Groupe Pages Jaunes à 33 ans

Devinette. Qu'est-ce que la mère de Marc Tellier martelait à son jeune garçon pour que celui-ci connaisse plus tard une carrière aussi rapide dans le monde des affaires, passant de VP chez Bell à PDG du Groupe Pages Jaunes alors qu'il n'avait même franchi la mi-trentaine?

Si vous imaginez une voix qui dit "fixe-toi des objectifs et n'hésite pas à prendre des raccourcis pour les atteindre", vous avez tout faux.

"Ma mère me disait: Ne saute pas d'étapes dans la vie, raconte plutôt M. Tellier. Et je crois que ça illustre assez bien mon parcours professionnel."

Pardon? On pourrait appeler ça le paradoxe Marc Tellier. Car cet homme qui semble avoir tout fait rapidement affirme en fait avoir pris son temps.

"C'est vrai que ça fait un peu drôle de dire ça aujourd'hui parce que j'ai eu un cheminement assez rapide, concède le principal intéressé. Mais pendant les 10 premières années de ma carrière, j'ai vraiment été concentré sur ce que je peux apprendre plutôt que sur mon titre ou ma rémunération."

Un examen minutieux de son CV fait effectivement sauter le mythe du jeune ambitieux qui brûle les étapes. Entré chez Bell en 1990 grâce à un "emploi d'été", Marc Tellier a pratiquement tout fait au sein de l'entreprise, de l'analyse économique aux ventes en passant par la stratégie et les relations aux investisseurs.

"Quand je sentais que j'avais fait le tour du carré de sable, je commençais à regarder pour d'autres opportunités. C'est l'avantage de travailler pour une grande entreprise", dit-il.

À 29 ans, il se voit confier les rênes de la division Sympatico.

"Les autres vice-présidents avaient tous 10 ou 15 ans de plus que moi. Mais je voyais que ma feuille de route était bien différente. La plupart avaient passé leur carrière chez Bell à l'intérieur d'un département, qu'ils connaissaient à fond. Mais ils n'avaient pas le même genre d'ouverture."

"Je n'ai pas fait de MBA dans une grande école, rappelle ce bachelier en économie de l'Université d'Ottawa. Je ne suis pas allé à McGill, à Western ou à Harvard. La farce plate que je fais souvent, c'est que je suis allé à l'Université Bell."

Apprendre des grands

Mieux que des professeurs, Marc Tellier côtoie chez Bell ce qu'il appelle de "grands personnages". Des gens comme Jean Monty, John McLennan, Ron Osborne, John Sheridan, Michael Sabia.

"Dans cette petite liste, il y a des gens qui ont connu de très grandes réussites et de très grands échecs. J'ai un sens de l'observation relativement aigu. J'ai appris à la fois des succès et des échecs. Et j'en ai tiré des conclusions."

Des conclusions qu'il a mises à profit pour faire naviguer son propre navire: le Groupe Pages Jaunes. En 2002, Bell Canada vend ses activités d'annuaires à un consortium formé de KKR et Teachers. Marc Tellier fait mentir les statistiques qui veulent que le patron saute presque automatiquement dans ces circonstances. Il reste en poste.

"Je pense qu'une des raisons pour lesquelles j'ai survécu, c'est qu'il y avait une ouverture d'esprit à revoir les processus et à remettre en question le statu quo", dit-il.

Moins d'un an plus tard, Marc Tellier orchestre la plus grosse entrée en Bourse de l'histoire canadienne pour une fiducie de revenu. En avril dernier, il a complété une série d'acquisitions lancée deux ans plus tôt et qui a amené le Groupe Pages Jaunes à avaler tous les éditeurs d'annuaires téléphoniques au pays à l'exception d'une entreprise de la Saskatchewan.

Le groupe a aussi entamé une diversification qui l'a amené du côté des services internet, des sites de petites annonces et des magazines spécialisés.

"On a acheté pour plus de 4 milliards d'entreprises en 2 ans", souligne M. Tellier. Une lancée qui va se poursuivre? "On n'est pas des junkies des acquisitions, répond-il. On n'est pas un marteau à la recherche d'un clou. On a fait beaucoup d'acquisitions récemment, mais c'est parce que ça s'inscrivait dans le plan d'affaires."

Vous aviez deviné: Marc Tellier n'écarte pas d'autres acquisitions dans l'avenir. Mais il affirme vouloir prendre son temps.