Les années se suivent et se ressemblent pour les clients d'Hydro-Québec. La société d'État souhaite augmenter ses tarifs de 2,2% en avril prochain, une septième hausse en cinq ans dénoncée sur plusieurs tribunes, hier.

Les années se suivent et se ressemblent pour les clients d'Hydro-Québec. La société d'État souhaite augmenter ses tarifs de 2,2% en avril prochain, une septième hausse en cinq ans dénoncée sur plusieurs tribunes, hier.

Hydro-Québec Distribution (HQD) a déposé sa demande de majoration auprès de la Régie de l'énergie en matinée, comme le prévoit la loi. Si la requête est acceptée, la facture d'électricité des Québécois aura grimpé de plus de 19% depuis janvier 2004.

Un tel bond est injustifié, dit Alexandre Langlais, analyste en énergie à l'Union des consommateurs. Selon ses estimations, l'inflation aura atteint environ 11% pendant la même période. «C'est quand même 8% de différence. Ça revient à dire que les tarifs d'Hydro-Québec augmentent beaucoup plus rapidement que l'inflation.»

Selon M. Langlais, la hausse projetée est d'autant plus inacceptable qu'Hydro-Québec a empoché de copieux profits de 2,9 milliards l'an dernier. «On peut se poser la question si c'est au consommateur qu'il en revient de bonifier encore plus les bénéfices de la société d'État.»

Chez HQD - la filiale chargée d'acheminer l'électricité aux consommateurs - on fait valoir que l'impact sera minime sur la facture mensuelle: 1,13$ pour un logement moyen, 2,70$ pour une petite maison et 4,87$ pour une grande résidence.

La hausse projetée servira surtout à finir de payer de l'équipement dont la durée de vie est expirée, mais qui n'a pas encore été amorti, a expliqué André Boulanger, président d'HQD.

Il aurait été impossible de rembourser ces actifs avec les revenus actuels de la société d'État, a affirmé le dirigeant à La Presse Affaires. «Il y a un manque à gagner et il atteint 2,2%.»

Le paiement anticipé des équipements expirés permettra d'économiser 13 millions en frais d'intérêt dès l'an prochain, selon HQD.

Programmes coûteux

Pour justifier la hausse d'avril prochain, Hydro souligne aussi que les programmes d'incitation à l'économie d'énergie - comme le rachat massif de vieux frigos - coûtent cher à la société d'État. Très cher même.

Le budget lié à ces programmes bondira de 51 millions l'an prochain, pour atteindre 262 millions. La facture est élevée pour le moment, mais ces initiatives permettront de limiter les hausses de tarifs dans les années à venir, a soutenu André Boulanger.

Le dirigeant demeure en outre convaincu que les augmentations successives imposées depuis 2004 n'ont rien d'abusif.

«Toute hausse, évidemment, dérange les consommateurs et c'est normal que ce soit comme ça, a-t-il dit. Mais quand on regarde les coûts (d'électricité) au Québec par rapport à ce qu'on paie en Amérique du Nord, on se classe, si ce n'est pas premier, dans le peloton de tête.»

La Régie de l'énergie tiendra des audiences au cours des prochains mois pour étudier la demande d'Hydro-Québec. Si la majoration est approuvée, elle entrera en vigueur le 1er avril 2009.

Pluie de critiques

Comme plusieurs, Olivier Bourgeois, analyste en énergie chez Option consommateurs, a dénoncé la nouvelle hausse proposée par la société d'État, hier.

«Lorsqu'on regarde leurs bénéfices qui vont en grandissant, et non en diminuant, on se demande comment ils peuvent justifier une telle augmentation», a-t-il dit pendant un entretien téléphonique.

La hausse viendra ajouter environ 150$ aux coûts de chauffage des locataires, a par ailleurs calculé la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ). «Pour nous, c'est clair que ça viendra alourdir le poids financier pour les locataires, qu'ils paient leur électricité directement à Hydro ou encore à l'intérieur du loyer.»

La mesure sera d'autant plus difficile à avaler pour les gens à faible revenu, qui consacrent déjà une part importante de leurs ressources au chauffage, a souligné Sylvain Gaudreault, porte-parole du Parti québécois en matière d'énergie. Il estime que les mesures d'aides destinées à ces clientèles sont insuffisantes.

HQD assure être bien consciente des difficultés vécues par les ménages à faibles revenus. Un budget de 5,5 millions a été débloqué pour leur offrir des ententes de paiement spéciales, a indiqué André Boulanger hier.

Hydro-Québec dévoilera les résultats de son deuxième trimestre au cours des prochaines semaines. Pendant les trois premiers mois de 2008, la société d'État a vu son bénéfice net grimper de 19 millions, à 1,4 milliard. Les revenus ont progressé de 39 millions pour atteindre 3,8 milliards.

Pour l'ensemble de l'exercice financier 2007, le chiffre d'affaires d'Hydro s'est élevé à 12,3 milliards de dollars.

Hausses de tarifs

Janvier 2004 : 3,0%

Avril 2004 : 1,4%

Avril 2005 : 1,2%

Avril 2006 : 5,3%

Avril 2007 : 1,9%

Avril 2008 : 2,9%

Avril 2009 (proposée) : 2,2%