Des entreprises qui sont aux prises avec des centaines de millions de dollars en papier commercial vicié contestent en cour à Toronto l'immunité de poursuites qu'obtiendraient les banques et les courtiers qui leur ont vendu ces titres, selon le plan de restructuration proposé.

Des entreprises qui sont aux prises avec des centaines de millions de dollars en papier commercial vicié contestent en cour à Toronto l'immunité de poursuites qu'obtiendraient les banques et les courtiers qui leur ont vendu ces titres, selon le plan de restructuration proposé.

Et ce sont des entreprises québécoises clientes de la Banque Nationale, un important revendeur de papier commercial non-bancaire (PCAA), qui ont mené la charge devant le juge Colin Campbell, de la Cour supérieure de l'Ontario.

Ce juge supervise la phase juridique et supposément finale de la restructuration du marché de 32 milliards de dollars de PCAA non-bancaire figé depuis sept mois.

Un plan en ce sens lui a été soumis par le comité Crawford des principaux investisseurs en PCAA non-bancaire, et sur lequel quelque 2000 détenteurs, petits et grands, sont appelés à voter dans deux jours, le vendredi 25 avril.

Les entreprises récalcitrantes réclament d'ailleurs le report de ce vote, en raison de la complexité et des «informations manquantes» du plan, mais aussi la controverse suscitée par certains éléments.

En particulier la clause qui accorde l'immunité de toute poursuite par les investisseurs de PCAA vicié contre les intervenants de cette restructuration, en particulier les banques et courtiers de valeurs mobilières.

«Une telle immunité est carrément illégale en fonction de la législation canadienne sur l'insolvabilité et les propositions aux créanciers (LACC) de compagnies», a soutenu l'avocat montréalais James Woods, qui représente quatre entreprises québécoises connues qui ont le plus mené la bataille, depuis deux semaines.

Ce groupe d'entreprises comprend le détaillant Jean Coutu, le voyagiste Transat AT et la société Aéroports de Montréal, ainsi que le constructeur Pomerleau.

Mais au cours des derniers jours, elles ont reçu l'appui d'entreprises comme la société papetière Domtar, la pharmaceutique Labopharm et même le géant aurifère Barrick Gold, de Toronto.

Et hier devant le juge Campbell, des avocats qui représentent diverses entreprises de l'extérieur du Québec et qui détiennent pour des centaines de millions en PCAA vicié ont signifié leur appui aux revendications des entreprises québécoises.

Parmi ces noms, on a entendu la Société 407 Express, qui gère la grande autoroute à péage électronique de Toronto, l'Autorité des aéroports du Grand Toronto, le Canadien Pacifique, l'important constructeur ontarien PCL et la société Toronto Hydro, principal distributeur électrique de la Ville reine.

Fait à souligner d'un point de vue québécois: ces entreprises en ont particulièrement contre la Banque Nationale, qui était de loin le principal revendeur de PCAA non bancaire dans le milieu d'affaires avant le gel de ce marché à la mi-août 2007.

«Ces détaillants comme la Banque Nationale réclament l'immunité de poursuites, comme une condition essentielle du plan de restructuration. Mais qu'adviendra-t-il pour mes clients si dans quelques mois, après la restructuration, on voit émerger des indices de malversations ou de même de représentations frauduleuses lors de la vente de ce PCAA?» a demandé l'avocat Jeff Carhart, qui représente un groupe de 27 entreprises détenant 1,6 milliard en PCAA vicié.

«Mes clients veulent ravoir tout leur argent. Et pour le moment, tout ce qu'on leur propose c'est un échange de PCAA pour de nouveaux titres à long terme dont la valeur demeure tout à fait hypothétique. Et même pour obtenir ça, ils devraient abandonner leur droit de poursuivre.»

Mais le juge Colin Campbell est intervenu souvent pour rappeler sa juridiction spécifique en la matière: approuver ou non le plan de restructuration tel que présenté, et sans forcer son amendement.

«Dans ce sens, ce que j'entends de la part des proposants de ce plan, c'est que l'immunité judiciaire des intervenants financiers est essentielle à sa continuité. Sans cette immunité, il n'y aurait plus de plan de restructuration. Et l'échec de ce plan aurait des conséquences énormes sur le milieu financier au Canada», a signifié le juge Campbell.

D'ailleurs, les principales banques canadiennes et quelques banques étrangères qui fournissent un soutien financier à la restructuration du PCAA non-bancaire ont soumis des déclarations en ce sens.

Leurs avocats sont parmi les principaux interlocuteurs attendus aujourd'hui lors de la deuxième journée d'audience spéciale devant le juge Campbell.

De même que les avocats du comité Crawford, du nom de l'avocat d'affaires Purdy Crawford qui coordonne depuis sept mois cette restructuration financière sans précédent au Canada.