La Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) procédera cette année à une vérification des agences de placement de personnel. Objectif: déterminer si elles sont les «véritables employeurs» des travailleurs pour lesquels elles paient des cotisations.

La Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) procédera cette année à une vérification des agences de placement de personnel. Objectif: déterminer si elles sont les «véritables employeurs» des travailleurs pour lesquels elles paient des cotisations.

André Beauchemin, vice-président finances de la CSST, a confirmé cette opération lors d'une entrevue exclusive avec La Presse Affaires.

Quelque 550 agences de placement sont inscrites à la CSST. La masse salariale sur lesquelles elles paient des cotisations était de 650 M$ en 2007. Depuis cinq ans, elle a fait un bond de 5% par année, soit 2% de plus que l'ensemble des entreprises.

La CSST estime qu'entre 25 000 et 28 000 personnes sont à leur emploi.

«Notre décision de procéder à ces vérifications découle des développements récents de la jurisprudence sur la notion de véritable employeur», précise André Beauchemin.

La CSST en profitera également pour fournir aux agences plus d'informations sur la nouvelle structure de classification qui les a regroupées en sept catégories en 2007.

Jurisprudence

Les vérifications débuteront par un projet-pilote au cours duquel quelques agences seront visitées. La CSST validera alors une grille de critères élaborés à la lumière de la jurisprudence récente.

Dans un document de la CSST de décembre 2007 et dont La Presse Affaires a obtenu des extraits, l'organisme indique notamment que «la relation factuelle, qui définit le pouvoir d'encadrer le travail des travailleurs et d'en vérifier l'exécution, est plus importante que les contrats ou les ententes entre l'entreprise fournisseur de main-d'oeuvre».

André Beauchemin a confirmé que ce principe fait partie des critères qui seront utilisés par les agents de la CSST pour déterminer qui sont les véritables employeurs.

«Nous objectif est d'en arriver à fixer des critères clairs, conformes à la jurisprudence, compréhensibles et applicables par des êtres humains qui ne sont pas juges ou avocats», note-t-il.

Cet objectif est ambitieux dans la mesure où cette notion a donné lieu, dans le passé, à de nombreux débats et plusieurs guérillas juridiques entre les agences, la CSST, la Commission des lésions professionnelles (CLP), son Tribunal d'appel et la Cour suprême du Canada.

La jurisprudence majoritaire de la CLP conclut que l'agence est l'employeur, mais cette instance a par ailleurs statué, dans certains dossiers, que le donneur d'ouvrage était le véritable employeur.

En 1997, la Cour suprême du Canada, dans une décision allant également dans cette direction, a du même souffle statué que chaque cas est un cas d'espèce et que le même individu peut avoir de véritables employeurs différents selon la loi applicable.

Les artistes, par exemple, qui sont des travailleurs autonomes au chapitre de l'impôt, ont été reconnus comme des employés des producteurs pour les fins de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles (LATMP).

Lésions

Selon André Beauchemin, la vérification de la CSST n'est pas liée au taux très élevé de lésions professionnelles des travailleurs manuels d'agences identifié dans une étude récente de l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et sécurité du travail (IRSST) et rapportée par La Presse Affaires le 3 mars.

Selon l'IRSST, le taux de fréquence et de gravité des lésions professionnelles de ce groupe de travailleurs a été, en 2000-2002, 10 fois supérieur à la moyenne québécoise et plus du double des employés manuels des entrepreneurs de construction.

En se basant sur le taux des cotisations à la CSST, André Beauchemin nuance la place des agences au palmarès.

«Celles qui placent des travailleurs manuels en entreprise paient des primes de 7,45$ par 100$ de salaire, soit plus de trois fois le taux moyen de 2,14$. Elles font effectivement partie des employeurs à risque élevé», dit-il.

«Par contre, d'autres secteurs sont, lorsqu'on utilise le taux de cotisation comme indice, beaucoup plus à risque. C'est le cas des mines et de la forêt, avec un taux d'environ 10$. Dans la construction, il varie de 7$ à 24$», ajoute-t-il.