Le spectre de la stagflation, qui a durement marqué les années 70, revient hanter les États-Unis, même si les conditions de ce phénomène économique tant redouté semblent encore loin d'être réunies.

Le spectre de la stagflation, qui a durement marqué les années 70, revient hanter les États-Unis, même si les conditions de ce phénomène économique tant redouté semblent encore loin d'être réunies.

L'accélération surprise de l'inflation, le rythme annuel de progression des prix à la production étant le plus rapide depuis 26 ans, et un ralentissement marqué de la croissance, font resurgir les inquiètudes.

Plusieurs analystes anticipent même une baisse du Produit intérieur brut (PIB) au premier trimestre. Deutsche Bank annonce ainsi un repli de 0,5% sur la période, suivie d'un nouveau recul de 0,3% au deuxième trimestre.

L'inflation actuelle se situe toutefois encore très loin des niveaux observés durant les années 70, avec des hausses annuelles fréquemment à deux chiffres.

Mais les économistes soulignent que la stagflation implique une augmentation coordonnée des salaires, qui n'a, pour l'heure, pas eu lieu.

«Durant les années 70, les salaires étaient beaucoup plus souvent indexés sur l'inflation, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui, à quelques exceptions près», explique Brian Bethune, chef économiste chez Global Insight.

En rythme annuel, l'indice de progression du coût du travail dans le secteur privé a ainsi ralenti entre décembre 2006 et décembre 2007, pour atteindre 3%.

«On pourrait même avancer l'argument que les salaires ont en fait baissé», estime M. Bethune.

Autre réserve, celle portant sur la durée du phénomène, même si tout cycle est nécessairement marqué par un commencement.

«On ne prend pas des indices sur quelques mois pour dire qu'on est en stagflation», tempère ainsi Stephen Gallagher, de Société Générale CIB. «Cela inclut un vrai cycle économique. Quand on parle de la stagflation des années 70, on peut considérer que cela va de 1973 à 1982», ajoute-t-il.

Pour expliquer la conjonction, rare, d'une accélération de l'inflation et d'un ralentissement économique, est régulièrement cité le principe du «découplage».

Selon celui-ci, la santé de l'économie américaine serait désormais relativement déconnectée de celle de l'Europe et du Japon, mais plus encore des pays émergents, au premier rang desquels la Chine.

Un ralentissement, même marqué, de l'économie américaine, n'aurait donc plus qu'un impact limité sur la croissance mondiale, ce qui marquerait une rupture avec la tendance historique.

La résistance de l'économie mondiale alimenterait ainsi la flambée actuelle des cours des matières premières et du pétrole, maintenant l'inflation à un niveau élevé aux États-Unis malgré l'affaiblissement de l'économie américaine.

Les économistes soulignent qu'il est encore trop tôt pour conclure que le «découplage» est devenu une réalité.

«Nous n'avons commencé à voir un ralentissement de la consommation que très récemment, depuis la fin de l'année dernière», explique M. Gallagher.

Mais même si les prix des matières premières et du pétrole se maintenaient à des niveaux historiques, le risque le plus souvent cité n'est pas celui d'inflation, mais de déflation.

«À horizon d'un an, on aurait plus peur de la déflation que de l'inflation, parce qu'une économie qui a une croissance qui reste largement sous son potentiel pendant une assez longue période a plutôt tendance à entraîner un ralentissement des salaires et une baisse de l'utilisation des capacités», analyse Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis.

«Ce que nous voyons aujourd'hui, ce sont des baisses de prix, que ce soit dans l'automobile ou dans la distribution», avance M. Gallagher, M. Bethune mentionnant lui le repli des prix de l'immobilier.