Malgré les pressions inflationnistes qui paraissent faiblir et le ralentissement plus prononcé que prévu de l'économie, la Banque du Canada va sans doute reconduire son taux directeur à 3,0%, demain.

Malgré les pressions inflationnistes qui paraissent faiblir et le ralentissement plus prononcé que prévu de l'économie, la Banque du Canada va sans doute reconduire son taux directeur à 3,0%, demain.

L'horizon économique canadien s'est beaucoup transformé depuis son annonce du 15 juillet, quand le prix du baril de pétrole se négociait dans les 140 $US.

Les prix de l'énergie et des matières premières ont reculé en général et exercent moins de pression sur le coût des intrants des entreprises. Les risques de contagion dans l'Indice des prix à la consommation (IPC) se sont estompés.

La Banque prévoyait alors que le rythme d'inflation globale pouvait dépasser les 4,0% cet hiver avant de ralentir vers sa cible de 2,0% en milieu de 2009. Il y a une semaine, le sous-gouverneur David Longworth a admis que ce pic ne sera pas atteint.

Scénarios de croissance

En juillet, la Banque misait sur un scénario de croissance de 1,0% pour l'ensemble de l'année et de 0,8% en rythme annualisé pour le deuxième trimestre. Vendredi, Statistique Canada a annoncé que l'expansion avait été contenue à 0,3%, ce printemps.

Devant pareils changements, certains observateurs croient que la Banque est face à la même réalité qui l'avait menée l'automne et l'hiver derniers à abaisser de 150 centièmes son taux directeur: l'économie canadienne ralentit au point où l'excédent d'offre va forcément freiner la marche des prix. Le taux d'inflation devrait donc à nouveau repasser sous la barre souhaitée des 2,0% comme c'était le cas l'hiver dernier et au printemps avant la flambée des prix des produits de base.

Ces experts prévoient que la Banque devra reprendre les baisses de taux interrompues en juin sans signal préalable.

Après tout, le taux d'utilisation de la capacité industrielle atteint à peine 79,8%, soit bien près des niveaux de la récession de 1990-1991.

Toutefois, fait remarquer Charmaine Buskas, stratège principal chez TD Valeurs mobilières «malgré le ralentissement économique, l'offre excédentaire n'augmentera pas beaucoup, compte tenu de l'affreuse performance canadienne en matière de productivité».

Le gouverneur Mark Carney a d'ailleurs annoncé au printemps que la Banque avait lancé une étude majeure, susceptible de déboucher sur une révision à la baisse du potentiel réel de l'économie canadienne. Ses conclusions sont attendues dans le prochain Rapport sur la politique monétaire qui paraîtra le 23 octobre.

En outre, tout n'est pas pour autant devenu rose sur le front de l'inflation.

Faiblesse du huard

Le dollar canadien faiblit depuis juillet. Vendredi, il s'échangeait contre moins de 94 cents US. Le scénario actuel de la Banque est fondé sur une prévision de 98 cents US. Les prix des biens importés avancent plus vite que prévu. Au deuxième trimestre, ils ont progressé au rythme le plus rapide en 16 ans, souligne Michael Gregory, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux. «N'eût été la baisse continue des prix des véhicules neufs, le taux d'inflation de référence serait passé de 2,0 à 2,5% depuis le début de l'année.»

Il trottine plutôt à 1,5% depuis quatre mois, ce qui convainc à tort plusieurs que l'inflation demeure bien contenue. (L'indice de référence de la Banque exclut les huit composantes les plus volatiles de l'IPC comme l'essence, le gaz naturel, les fruits et les légumes frais.)

Enfin, à la différence de la Réserve fédérale américaine, la Banque n'est plus aux prises avec une crise du crédit.

Les résultats plutôt solides des banques canadiennes au troisième trimestre publiés la semaine dernière sont là pour en témoigner.

D'ailleurs, l'assouplissement monétaire pratiqué depuis un an s'est en bonne partie répercuté dans les taux d'intérêt des prêts à la consommation et aux entreprises. Ce qui n'est pas le cas au sud de la frontière.

Bref, le statu quo paraît justifié encore une fois, le temps d'y voir plus clair.