Google est entrée à la Bourse, il y a quatre ans, en faisant un joyeux pied de nez aux banques d'affaires. La star de la nouvelle économie n'allait pas se plier aux vieilles règles du jeu, oh! que non.

Google est entrée à la Bourse, il y a quatre ans, en faisant un joyeux pied de nez aux banques d'affaires. La star de la nouvelle économie n'allait pas se plier aux vieilles règles du jeu, oh! que non.

Le moteur de recherche a décidé d'offrir ses actions directement au public dans une vente aux enchères, plutôt que de laisser les bonzes de Wall Street fixer le prix de son titre et dénicher des investisseurs.

Et tant pis pour les 28 firmes de courtage qui ont bossé sur son premier appel public à l'épargne de 1,9 milliard de dollars US: elles ont empoché seulement la moitié de la commission habituelle.

C'était le début d'un phénomène boursier.

Lancée à 85$US en 2004, l'action de Google s'est envolée jusqu'à 747$US, en 2007. Plus de huit fois son prix d'émission!

Avec une valeur boursière de 152 milliards, Google se classe désormais au 11e rang des poids lourds de la Bourse américaine, juste derrière sa rivale Apple.

Une croissance folle

Google a fait mentir ses détracteurs des premières heures qui juraient que c'était de la folie.

Il est vrai que le titre valait plus de 200 fois ses bénéfices par action, lors de l'émission. Un ratio cours/bénéfices stratosphérique.

«Oui, c'était cher, en tenant compte des ratios traditionnels», se rappelle Nadim Risk, vice-président, actions étrangères, chez Montrusco Bolton. «Mais l'erreur que tout le monde a fait, c'est de mal évaluer la croissance de Google», enchaîne-t-il.

Échaudés par la bulle des technos, les investisseurs ont sous-estimé la puissance du modèle d'affaires de Google, sa capacité à accroître son chiffre d'affaires et sa rentabilité.

Difficile d'imaginer que la firme californienne allait multiplier son chiffre d'affaires par mille, en sept ans! Google qui se résumait encore à un concept début 2000, avec un chiffre d'affaire de seulement 20 millions US, a propulsé ses revenus jusqu'à 20 milliards US cette année.

«Je ne connais pas d'autres entreprises qui ont connu une croissance aussi rapide», lance M. Risk.

Même Microsoft, durant ses jeunes années, n'a pas grossi aussi vite. L'entreprise de Bill Gates a multiplié ses revenus par 20 en sept ans (de 97 millions US en 1984, à 2 milliards US en 1991). Rien à voir avec la prodigieuse poussée de croissance de Google.

Si Google a pu se développer à une telle vitesse, c'est grâce à la puissance de l'Internet: pas de réseau de distribution à mettre en place, tout le monde peut accéder au service en un clic.

Et surtout, Google a réussi rentabiliser son concept, en redessinant l'univers de la publicité. Auparavant, les annonceurs se contentaient de placer des bannières sur les sites web. Une approche plutôt passive.

Grâce à la technologie de Google, les annonceurs peuvent maintenant fignoler un message sur mesure en relation avec la recherche précise de chaque internaute. Les publicités apparaissent en parallèle avec les résultats de la recherche. Et les annonceurs paient en fonction du nombre de clics qu'ils obtiennent. Cela leur permet de réaliser, à faibles coûts, des campagnes publicitaires très ciblées qui donnent des résultats clairs.

C'est ainsi que Google s'est transformée en machine à imprimer de l'argent. Une bombe de croissance, avec des bénéfices qui doublent d'une année à l'autre. L'entreprise génère des flux financiers libres (free cash flow) de plus d'un milliard US par trimestre. Elle est devenue une forteresse financière, avec 13 milliards US d'encaisse.

Et l'avenir?

Mais Google n'est pas immunisée contre les replis. À la mi-juillet, son titre a flanché de 10% après l'annonce de résultats trimestriels décevants. L'action a perdu plus du tiers de sa valeur depuis l'an dernier.

La morosité économique y est pour beaucoup. Mais ultimement, le resserrement des budgets publicitaires pourrait lui donner un coup de main. «Les entreprises se concentrent sur des annonces qui produisent des résultats quantifiables», explique Robert Becker, analyste chez Argus.

Selon lui, le ciel est bleu pour Google. L'Internet n'en n'est qu'à ses balbutiements dans les pays émergents. Et aux États-Unis, la publicité en ligne qui représente seulement 7% de l'assiette publicitaire totale, continuera de gruger des parts de marché aux médias traditionnels, notamment la télé dont l'auditoire est en baisse.

De plus, Google a pris d'autres moyens pour stimuler sa croissance. Elle a mis la main sur YouTube pour 1,65 milliard US.

Elle s'est lancée dans les applications à distance, pour livrer bataille à Microsoft qui tente, de son côté, de percer l'univers des moteurs de recherche (pensez à la prise de contrôle ratée sur Yahoo!).

Google se dirige aussi dans le domaine des téléphones intelligents, où elle luttera contre Apple.

«Mais Google a eu moins de succès dans ses tentatives de diversification», constate M. Risk. Les consommateurs sont déjà habitués aux logiciels de Microsoft Office. Ils ont déjà été séduits par le iPhone.

Bâtir son propre modèle d'affaires de zéro est un défi de taille. Mais se tailler une place dans un marché existant en est un autre