La Chine ne s'intéresse pas qu'à notre minerai de fer et à notre aluminium. Elle est de plus en plus friande de vieux papiers pour alimenter ses usines en fibres recyclées, ce qui a pour effet de faire exploser les prix.

La Chine ne s'intéresse pas qu'à notre minerai de fer et à notre aluminium. Elle est de plus en plus friande de vieux papiers pour alimenter ses usines en fibres recyclées, ce qui a pour effet de faire exploser les prix.

Pascal Aguettaz, responsable de l'approvisionnement en fibres chez Cascades, en sait quelque chose. Depuis un an, explique-t-il, le prix des meilleurs grades de papier récupéré est passé de 160 à 250 $ US, la tonne, une hausse de près de 60%.

Le prix de la tonne de papiers mélangés de moins grande qualité, qui était de 40 $ US en janvier 2007, atteignait 100$US la tonne un an plus tard.

Selon Pascal Aguettaz, cette explosion des prix s'explique par la présence de plus en plus importante d'acheteurs chinois, qui remplissent de vieux papiers les bateaux venus livrer leur marchandise Made in China et qui, autrement, repartiraient vides.

L'appétit de la Chine pour les vieux papiers est énorme. Entre 2005 et 2012, on estime que ses besoins augmenteront de 36 millions de tonnes, ce qui est la quantité de papier recyclé consommé actuellement dans toute l'Amérique du Nord.

«Les concurrents chinois sont en mesure d'offrir un meilleur prix aux récupérateurs, parce que le tri de ce papier ne coûte pratiquement rien en Chine, ce qui n'est pas le cas ici», dit-il.

Un trieur chinois ne gagne pas plus de 1000$ par année, alors qu'ici, selon les entreprises, ces travailleurs sont payés entre 10 et 15$ l'heure, ce qui ajoute entre 20 et 40$ la tonne au prix du papier récupéré.

Résultat, l'exportation de vieux papiers du Québec, principalement vers l'Asie, a presque quintuplé l'an dernier, ce qui rend l'approvisionnement des usines québécoises plus ardu et surtout, plus coûteux.

Chez Cascades, le plus ancien et le plus important récupérateur au Canada, les vieux papiers assurent 77% de toute la production de papiers, de cartons et d'emballages. L'augmentation du prix de sa principale matière première l'affecte donc particulièrement.

«C'est d'autant plus déplorable que les récupérateurs de papiers sont souvent des organismes à but non lucratif, qui font de la réinsertion sociale et qui sont subventionnés par le gouvernement. Ces subventions servent donc à exporter du vieux papier en Asie», déplore le dirigeant de Cascades.

Avec l'augmentation de la demande pour le papier recyclé, tous les fabricants de papiers ont des besoins accrus en vieux papiers et l'offre est insuffisante. Il existerait un déficit d'un million de tonnes par année entre les besoins de l'industrie et le volume de vieux papiers récupérés.

L'approvisionnement en fibres recyclées risque d'être de plus en plus difficile, avec la baisse généralisée du tirage des journaux en Amérique du Nord, qui sont traditionnellement de grands pourvoyeurs de vieux papiers.

Pour Cascades, une partie de la solution à ses problèmes d'approvisionnement vient d'ententes conclues avec des fournisseurs.

Lundi, l'entreprise a annoncé qu'elle s'associait avec Desjardins, qui deviendra un client privilégié pour ses produits et en même temps un fournisseur important de vieux papiers pour alimenter ses usines.

Le Mouvement Desjardins, avec ses 40 000 employés, s'est donné comme objectif d'utiliser uniquement du papier recyclé post-consommation à partir de la fin de l'année.

De son côté, Desjardins deviendra un fournisseur privilégié de services financiers pour Cascades, a précisé hier la secrétaire générale du mouvement, Pauline d'Amboise.

«Nous pensons que ce sera une relation gagnant-gagnant, a-t-elle dit. Et même si ce n'est pas égal-égal (sur le plan économique), ça fera avancer les choses.»

Cascades mise aussi sur l'augmentation du volume de papier qui peut être récupéré.

«Au Québec, on estime à un million de tonnes par année la quantité de papier récupérable qui finit dans les sites d'enfouissement, indique Pascal Aguettaz. À l'échelle nord-américaine, on parle d'un volume considérable à aller chercher. C'est à ça qu'on travaille.»