La société d'État fédérale Téléfilm Canada a omis de divulguer au moins 84 documents potentiellement gênants pour Cinar quand elle a comparu en Cour supérieure en octobre 1996, lors d'une audience sur la poursuite pour plagiat intentée par le scénariste Claude Robinson contre Cinar et ses deux fondateurs, Ronald Weinberg et Micheline Charest.

La société d'État fédérale Téléfilm Canada a omis de divulguer au moins 84 documents potentiellement gênants pour Cinar quand elle a comparu en Cour supérieure en octobre 1996, lors d'une audience sur la poursuite pour plagiat intentée par le scénariste Claude Robinson contre Cinar et ses deux fondateurs, Ronald Weinberg et Micheline Charest.

De ce nombre, au moins six éléments importants n'ont pu être trouvés à la suite d'une recherche interne ordonnée par le conseil d'administration, qui a été saisi du dossier en 2000.

C'est ce qu'a affirmé mardi Hélène Pelletier, ancien membre du conseil d'administration de Téléfilm, qui a témoigné mardi lors d'une autre audience en Cour supérieure concernant ce procès qui porte notamment sur le plagiat par Cinar d'une série pour enfants intitulée Robinson Sucröe, que Cinar a produite et dont M. Robinson revendique la paternité.

La disparition des documents et l'incapacité du contentieux de Téléfilm à les retrouver, en 2000, ont «beaucoup inquiété» Mme Pelletier et les autres membres du comité de vérification du conseil, a-t-elle dit mardi.

Mme Pelletier a témoigné malgré les objections véhémentes de l'avocate de Téléfilm, la procureure fédérale Chantal Sauriol, qui a même demandé, en vain, au juge Claude Auclair d'interdire aux médias de publier les déclarations du témoin.

Me Sauriol a plaidé au juge que Mme Pelletier n'avait pas le droit de témoigner en vertu des devoirs de confidentialité et de loyauté qui régissent les administrateurs de sociétés d'État fédérales.

Elle a ajouté que Mme Pelletier est «une amie» de M. Robinson et qu'elle serait en conflit d'intérêts de faire des déclarations à ce sujet.

Le juge a rejeté l'objection de Me Sauriol sur l'obligation de loyauté et sur le conflit d'intérêts et a indiqué qu'il entendrait «avec prudence» le témoignage du témoin en attendant de trancher, plus tard, sur ses obligations de confidentialité.

Téléfilm n'est pas poursuivie dans ce procès, mais l'affaire est sensible pour elle, puisqu'elle a subventionné Cinar pour ce projet, alors qu'elle était en possession d'un abondant dossier présenté auparavant par M. Robinson.

La poursuite vise aussi Hélène Charest, soeur de Micheline Charest (aujourd'hui décédée), ainsi que plusieurs partenaires internationaux de Cinar, France Animation, Ravensburger Film + TV, la BBC, RTV Family Entertainment et d'autres intimés.

Selon Mme Pelletier, Claude Robinson s'est plaint à elle des documents manquants après avoir en vain fait la même démarche auprès de l'ancien directeur général, François Macérola.

Après son intervention, «la direction a mis sur la table (du conseil) les 78 documents qui n'avaient pas été remis en 1996 et des affidavits expliquant (...) que c'était une erreur», a dit Mme Pelletier, qui a dit croire que l'omission était accidentelle et sans mauvaise foi.

Mme Pelletier a d'ailleurs surpris toute la cour en sortant de son sac deux énormes cahiers boudinés contenant toute cette documentation, à la consternation de l'avocate de Téléfilm, qui argue que la recherche de ces documents est une entreprise de «spéléologie» dans les archives de Téléfilm, qui monopolise de nombreux employés.

Par ailleurs, un autre témoin, Bertrand Gagnon, policier à la retraite de la GRC, a indiqué que la GRC possède plusieurs documents internes de Cinar qui seraient pertinents à la cause de M. Robinson.

M. Gagnon a dit au juge avoir enquêté durant une longue période sur les allégations de fraude faite par M. Robinson contre Cinar. Le procureur de la Couronne a décidé de ne pas intenter de poursuite contre Cinar et ses dirigeants.

«M. Robinson mérite mon respect pour sa ténacité, ses talents d'enquêteur et sa rigueur, a dit M. Gagnon. Quand j'ai quitté la GRC, je me suis fait un point d'honneur de lui donner mes coordonnées, parce que sa cause m'intéresse.»