Il y a un an, l'argent était facile. Grandes ou petites, solides ou endettées, les entreprises empruntaient presque aux mêmes conditions. Pour trois mois ou pour 30 ans, peu importe, les taux d'intérêt variaient à peine. Comme si le risque de crédit était disparu

Il y a un an, l'argent était facile. Grandes ou petites, solides ou endettées, les entreprises empruntaient presque aux mêmes conditions. Pour trois mois ou pour 30 ans, peu importe, les taux d'intérêt variaient à peine. Comme si le risque de crédit était disparu

Le marché nageait dans les liquidités jusqu'à ce que le risque remonte soudainement à la surface, cet été, avec l'explosion des défauts de paiement sur les hypothèques à risque (subprimes) aux États-Unis.

«L'appétit pour le risque a été bousculé», dit Vincent Deslisle, stratège aux Marchés des capitaux Scotia. Les investisseurs sont passés de la complaisance à la crise de confiance.

Depuis juillet dernier, les conditions de crédit se sont resserrées. Les petites entreprises éprouvent davantage de difficultés à dénicher du financement.

Pour emprunter, les sociétés qui ont une moins bonne cote de crédit doivent payer plus cher que les entreprises solides ou que le gouvernement.

C'est toujours le cas.

Mais depuis l'été dernier, l'écart de taux d'intérêt s'est beaucoup élargi, signe que les investisseurs veulent être mieux rémunérés pour le risque accru qu'ils prennent.

Bref, le marché du crédit est tendu, malgré l'assouplissement de la politique monétaire. En effet, la Réserve Fédérale américaine et la Banque du Canada ont réduit leurs taux d'intérêt à court terme.

Les banques centrales du monde entier ont même mis en place une intervention concertée, du jamais vu depuis le 11 septembre. Mercredi dernier, elles ont annoncé une injection de 113 milliards de liquidités, question d'envoyer un électrochoc dans le marché.

«Mais les banques centrales ont beau injecter des liquidités, l'argent reste bloqué dans le système bancaire», explique Pascal Duquette, président et chef du placement chez Gestion de portefeuille Natcan.

Pour comprendre pourquoi, il faut revenir en arrière À l'origine, les banques récoltaient des épargnes et accordaient des prêts. Elles avaient tout avantage à s'assurer de la qualité des créances, pour éviter les défauts de paiements et les pertes.

Mais avec le temps et les innovations financières, elles en sont venues à revendre leurs portefeuilles de prêts, sous d'autres formes.

Par exemple, elles regroupaient un grand nombre de soldes de cartes de crédit à un taux d'intérêt de 15 ou 16%. Elles les revendaient ensuite en obligations, à un taux d'intérêt beaucoup moins élevé, et empochaient la différence. C'est le principe de la titrisation.

«C'est un modèle très puissant, très rentable», dit M. Duquette. En plus, en enlevant les prêts de leurs livres, les banques n'avaient plus à converser autant de capital.

Elles se sont mises à cuisiner cette recette à toutes les sauces, avec toutes sortes de prêts, dont des hypothèques à risque aux États-Unis.

Affamés de rendement, les investisseurs en redemandaient. Mais l'explosion des défauts de paiement, leur a coupé l'appétit d'un coup sec. La crise de confiance a gelé les liquidités dans le marché.

Les banques qui avaient fournies une garantie implicite ou explicite sur ses produits, sont maintenant forcées de reprendre les prêts dans leurs livres. En revenant en arrière, les banques doivent aussi rebâtir leur capital, explique M. Duquette.

Voilà pourquoi elles sont assoiffées de liquidités. Voilà pourquoi elles absorbent tout ce que les banques centrales injectent.

Et ce n'est pas assez. On a vu plusieurs de grandes banques américaines mettre la hache dans leur dividende. On a vu le géant Citigroup émettre 7,5 milliards de titres à des conditions fort désavantageuses, la semaine dernière. Une aubaine pour l'acquéreur, un fonds souverain du Moyen-Orient dont les coffres débordent de pétro-milliards.

Voilà bien la preuve qu'en temps de crise, l'argent est roi.