Certaines organisations québécoises permettent à leurs salariés de concilier un emploi à temps plein avec leur volonté de participer à des projets de coopération internationale. Aperçu de cette nouvelle forme «d'avantages sociaux».

Certaines organisations québécoises permettent à leurs salariés de concilier un emploi à temps plein avec leur volonté de participer à des projets de coopération internationale. Aperçu de cette nouvelle forme «d'avantages sociaux».

Isabelle Descarreaux, conseillère principale en stratégie des technologies de l'information chez Deloitte, reçoit, chaque jour, des dizaines de courriels. Depuis un mois, certains messages la comblent d'un grand bonheur.

Ils lui viennent d'Elsie et de Robbie, deux employés de la Dqae Qare Game Reserve, un centre communautaire, culturel et touristique situé à Ghanzi, au Bostwana, où elle a oeuvré en décembre dernier dans le cadre du programme «Congé solidaire» de l'organisme Uniterra (www.uniterra.org).

Ce programme repose sur l'engagement des entreprises à permettre à des employés de transformer une partie de leur congé annuel en mandat de coopération internationale de deux à trois semaines dans un pays en développement.

Les employeurs participants doivent contribuer au financement de ces projets en versant 5000$ par employé participant.

Deloitte, Abbott, les Consultants Mirtech, la Caisse d'économie solidaire Desjardins, la Bibliothèque et les Archives nationales du Québec et la Ville de Montréal offrent actuellement ce programme.

Ce dernier est géré par le Centre d'étude et de coopération internationale (CECI).

«Je me sens privilégiée de travailler pour une entreprise qui permet à ses employés de prendre du temps pour le don de soi et de vivre une telle expérience sans devoir quitter son emploi», note Isabelle Descarreaux.

Une petite différence

Avant son départ, elle a reçu de très sages conseils de son père, un géologue possédant une longue expérience de l'Afrique, de l'Asie et du Grand Nord québécois.

«Isabelle, tu ne dois pas penser que tu vas changer le monde. Mais si tu provoques un tout petit changement, pour une seule personne, tu devras en être satisfaite et t'en sentir comblée», lui a-t-il dit.

Sur place, elle a donc ramené à des actions très simples son mandat d'amélioration du service à la clientèle Elle a notamment donné des formations sur la création d'une adresse de courriel et sur la navigation sur le Web.

«Quand je reçois des messages de Ghanzi, je me dis que mon passage, malgré sa courte durée, a peut-être été utile», dit-elle.

Isabelle Descarreaux est toutefois bien consciente que les interventions ponctuelles, malgré les meilleures intentions du monde, risquent fort d'être des coups d'épée dans l'eau si elles ne sont pas inscrites dans une démarche à long terme.

Selon Nathalie Langlois, coordonnatrice du programme "Congé solidaire" au CECI, la définition des mandats des participants aux congés solidaires par des partenaires locaux associés à des projets à long terme d'Uniterra dans les pays en développement permet d'éviter cet écueil.

Ce lien entre les actions à court et long terme est également une préoccupation pour le Service d'assistance canadienne aux organismes www.ceso-saco.com.

Le SACO pilote notamment des séjours de quatre à six semaines.

"Nous travaillons de préférence avec des individus qui possèdent au moins 10 ans d'expérience. Nous faisons exception dans le cas des technologies de l'information" indique Appolinaire Ihaza, directeur du SACO pour l'Afrique.

La majorité des 3000 volontaires du SACO sont des retraités mais la complicité de certains employeurs permet à des salariés à temps plein de s'associer à son action.

C'est le cas de la Ville de Montréal, qui a conclu en juin 2007 une entente de cinq ans, destinée spécifiquement à des transferts d'expertise avec Port-au-Prince, en Haïti.

"Une centaine d'employés municipaux ont manifesté leur désir de participer à ce projet ou de bénéficier d'un congé solidaire", indique Pierre Laurence, conseiller au Bureau des affaires internationales de la Ville de Montréal.

Pour avoir déjà réalisé un mandat d'un mois au Cameroun, M. Laurence sait très bien que "sans stratégie d'intervention, chaque coopérant reproduit les mêmes patterns et tout est à recommencer à chaque fois".

La Ville de Montréal s'est donc assurée que tous ses employés qui iront à Port-au-Prince se rencontreront pour partager leur expérience et préparer les plans d'action des coopérants ponctuels.

"Nous tenons à nous associer à des projets qui portent sur des enjeux urbains parce que c'est là que se trouve notre expertise et, en grande partie, l'avenir de la planète" précise Pierre Laurence.

Développement personnel

François Audet, chercheur associé à la Chaire de recherche du Canada en politique étrangère et défense canadienne de l'UQAM, considère que les expériences à court terme, bien qu'enrichissantes pour les individus, ne peuvent être qualifiées d'aide internationale.

«Dans ces courts séjours, on apprend beaucoup plus qu'on donne. Tout le monde qui fait de la coopération internationale, y compris moi, est passé par là. Mais je suis convaincu que seuls des séjours prolongés à l'étranger et une solide formation peuvent préparer les individus à l'aide internationale», insiste-t-il.

MBA en développement international

C'est dans cette optique que la Faculté des sciences de l'administration de l'Université Laval a créé un MBA en développement international et en action humanitaire.

Ses étudiants doivent, pour obtenir leur diplôme, effectuer un stage d'au moins six mois à l'étranger.

Ces stages sont coordonnés par Managers sans frontières (www.mngsf.org), dont le siège est également à l'Université Laval.

Depuis un an, cette ONG accepte de confier des mandats à des gestionnaires d'expérience, à la condition qu'ils aient suivi un micro-programme de formation d'une durée de quatre mois suivi d'une période de trois mois d'observation sur le terrain.