Le vol de renseignements confidentiels de 3,4 millions de clients de Bell Canada (T.BCE) a causé toute une commotion il y a deux semaines.

Le vol de renseignements confidentiels de 3,4 millions de clients de Bell Canada [[|ticker sym='T.BCE'|]] a causé toute une commotion il y a deux semaines.

Or, le jeune homme arrêté puis relâché dans cette affaire exigeait à peine 2500$ pour la précieuse liste. Moins de 0,0007$ par client visé!

C'est un des nombreux éléments qui ressort d'une demande d'injonction déposée mardi par Bell au palais de justice de Montréal. Le document, que La Presse Affaires a obtenu, explique en détail comment l'entreprise de télécoms a mis au jour cette tentative de fraude.

Tout commence le 15 janvier dernier. Ce jour-là, un «informateur», qui a requis l'anonymat, laisse un message téléphonique au bureau de Michael Sabia.

Ses allégations sont sérieuses: les renseignements personnels - noms, adresses, numéros de téléphone, services achetés chez Bell - de plus de trois millions de clients auraient été dérobés, indique-t-il.

Pire, la liste est à vendre, et pour pas cher.

Le dénonciateur avait lui-même été approché à la mi-décembre par un certain Matthew Zedrich, qui offrait de lui céder la liste pour 2500$.

Le vendeur s'appelle en fait Jean-Michel Bonin, apprend-on dans le document déposé en Cour cette semaine. Un résidant de Dorval âgé de 30 ans, sans aucun antécédent criminel.

Bell n'a pas perdu de temps. Après avoir vérifié les propos de son informateur - et confirmé l'authenticité des données volées - l'entreprise a embauché le 22 janvier un enquêteur de la firme privée Sirco.

L'inspecteur a reçu un gros mandat: entrer en contact avec Jean-Michel Bonin, essayer d'acheter la liste et surveiller le suspect «pour déterminer les endroits où il pourrait garder des copies la liste». Une véritable filature.

Pour se donner l'air d'un acheteur crédible, l'enquêteur a créé un faux site web le 23 janvier.

Il s'est fait passer pour «Joe Turn», un pirate de signaux satellites. Le lendemain, il a envoyé un courriel à Jean-Michel Bonin pour témoigner de son intérêt envers la liste de clients de Bell.

Les deux hommes ont échangé pendant quelques jours avant de s'entendre sur un prix de vente: 3500$. Ils se sont rencontrés le 5 février dans un restaurant Sushi Shop de l'avenue Dorval pour procéder à la transaction, affirme le document déposé en Cour.

La firme Sirco a poursuivi sa surveillance pendant quelques jours, puis Bell a demandé au tribunal le 11 février l'autorisation de saisir tous les équipements informatiques de Jean-Michel Bonin.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) l'a arrêté le lendemain, à son bureau du centre-ville de Montréal.

L'accusé a été amené au poste et relâché. «Il n'est pas connu de nos services policiers, il a été libéré sous promesse de comparaître devant la Cour le 10 avril prochain», explique Lynne Labelle, porte-parole du SPVM.

Le jeune homme devrait être accusé «d'utilisation non autorisée d'un ordinateur» en vertu du code criminel, a indiqué Mme Labelle.

«Il va comparaître, on va lui donner l'accusation, et lui décidera s'il plaide coupable ou non coupable. On verra quelles sont les procédures par la suite.»

L'enquête policière est toujours en cours et d'autres suspects pourraient être interpellés. Bell poursuit également son investigation et envisage d'intenter des poursuites civiles.

Une question de taille demeure dans cette affaire: qui a fourni la liste de renseignements confidentiels à Jean-Michel Bonin? Selon le document déposé en Cour par Bell, le suspect aurait déclaré que c'est Gary Webber, son colocataire, qui la lui a fournie.

Bell Canada vise d'ailleurs M. Webber dans sa demande d'injonction déposée mardi.

L'avocat Leonard Waxman, qui représente Jean-Michel Bonin et Garry Webber, a indiqué à La Presse Affaires qu'il était prématuré de faire des commentaires. Il a souligné que M. Bonin "est présumé innocent, et Gary Webber n'est pas accusé. Les deux n'ont rien à dire pour le moment".

Bell nerveuse

Les informations volées sont en apparence anodines, mais elles valent une fortune pour les concurrents de Bell, indique l'entreprise dans sa demande d'injonction.

Ces renseignements pourraient leur permettre de faire des offres très ciblées aux clients de Bell, et à meilleur coût.

Dans sa demande d'injonction, Bell Canada demande à la Cour d'ordonner à M. Webber «de cesser de communiquer à qui que ce soit la liste et toute autre information appartenant à la plaignante».

Bell demande aussi que toutes les copies de la liste soient détruites, et que M. Webber lui fournisse l'identité de la personne qui lui a donné les renseignements confidentiels au départ.

Bell subirait un «tort irréparable» si jamais les informations contenues dans la liste sont rendues publiques ou tombent entre les mains de concurrents, peut-on lire.