Même si la Caisse de dépôt et placement du Québec n'est pas une société d'État à proprement parler, la nomination de son chef a toujours été hautement politique. Les six présidents qui se sont succédé à la barre du principal investisseur institutionnel au Canada ont tous été nommés par l'Assemblée nationale, sur recommandation du gouvernement.

Même si la Caisse de dépôt et placement du Québec n'est pas une société d'État à proprement parler, la nomination de son chef a toujours été hautement politique. Les six présidents qui se sont succédé à la barre du principal investisseur institutionnel au Canada ont tous été nommés par l'Assemblée nationale, sur recommandation du gouvernement.

En cours de route, il a parfois fallu modifier la loi pour que le gouvernement puisse faire avaliser son choix.

Ainsi, Robert Bourassa avait choisi de scinder le poste de président du conseil d'administration et de chef de la direction pour mieux faire accepter la nomination de Guy Savard comme chef de l'exploitation.

Feu Jean-Claude Delorme, fort d'une longue carrière chez Teleglobe Canada, qui était alors une société d'État prospère mais pépère, avait été retenu pour présider le conseil, le service des communications et l'immobilier. M. Savard héritait des placements et de la gestion des affaires courantes, là où la Caisse jouait le plus son rôle politique qui agaçait tant le Canada anglais.

Doté d'un redoutable réseau de contacts, M. Savard était peu connu des Montréalais, mais c'était un fidèle de M. Bourassa. Il lui a même servi de chauffeur à l'occasion, entre 1977 et 1985. Ayant pratiqué en Estrie, M. Savard avait des contacts avec les fortunés du lac Memphrémagog.

MM. Delorme et Savard n'entretenaient pas la meilleure complicité. Ils se regardaient plutôt en chiens de faïence.

Quand Jacques Parizeau a été élu premier ministre en 1994, le remplacement de M. Savard s'imposait à ses yeux. Il a fait à nouveau modifier la loi pour revenir à une direction unique.

N'ayant plus de fonctions, M. Savard a dû quitter son poste, tandis que M. Delorme a représenté la Caisse dans quelques conseils d'administration jusqu'à sa retraite.

M. Parizeau voulait un homme qui pouvait partager sa vision, celle d'une Caisse qui agit comme un levier financier pour renforcer Québec inc. aux dépens du Canadian Establishment.

Il a choisi Jean-Claude Scraire pour tenir les commandes, un homme qui oeuvrait dans l'institution depuis des années et dont les convictions souverainistes étaient indubitables.

Le courant passait beaucoup moins cependant entre MM. Bouchard, Landry et Scraire. La deuxième moitié de mandat de ce dernier a coïncidé avec l'éclatement de la technobulle et l'alliance critiquable et coûteuse avec Quebecor pour empêcher Rogers de s'emparer de Vidéotron

Les tensions entre la ministre des Finances Pauline Marois et M. Scraire ont amené ce dernier à démissionner, non sans avoir auparavant déposé un rapport proposant à nouveau la scission des fonctions de la haute direction.

Choix de Mme Marois, qui voulait éviter toute controverse, Henri-Paul Rousseau a poussé plus loin cette recommandation, sur la base du rapport d'un comité présidé par Guy Morneau.

La Loi sur la Caisse dépôt et placement reprend l'ensemble de ses recommandations.

L'article 5 établit les modalités de nomination du président du conseil et du président et chef de la direction. Le premier est nommé par le gouvernement. Il ne peut cumuler les fonctions de chef de la direction et il exerce ses fonctions à temps partiel.

«Le conseil d'administration, avec l'approbation du gouvernement, nomme le président et chef de la direction, en tenant compte du profil d'expertise et d'expérience établi par la Caisse», stipule l'article 5,3.

Même si cela élimine bien des candidatures, on imagine que les tractations restent tentantes.

Peut-être faut-il se rappeler une autre règle de nomination, non écrite celle-là, mais qui a été souvent appliquée, à une exception près, celle du tandem Delorme-Savard.

C'est l'alternance.

M. Claude Prieur a mis sur pied la Caisse, mais son successeur la connaissait de manière intime. Marcel Cazavan était membre de son conseil d'office, à titre de sous-ministre en chef.

Mais pas Jean Campeau, qui était sous-ministre adjoint au moment de sa nomination.

M. Scraire venait de l'interne, mais pas M. Rousseau.

S'il est vrai que la présidence de ce dernier aura été un grand one man show, M. Charest sait sans doute aussi qu'il lui aura fallu de 12 à 18 mois pour faire greffe avec l'institution.

Avec son départ précipité qui laisse des dossiers difficiles en plan, notre bas de laine peut-il vivre une autre année de turbulences?