«Nous filions le parfait bonheur», commence Nicole.

«Nous filions le parfait bonheur», commence Nicole.

On devine que ça n'a pas duré.

En effet. Denis occupait un poste de direction dans une importante firme de communication et touchait un salaire annuel de 85 000$. Sa conjointe Nicole travaillait à son compte, et avait des revenus de 40 000$ par année, avant impôt.

«Puis en 2002, tout s'est écroulé, relate-t-elle. On a appelé ça notre krach boursier.»

Cette année-là, Denis a perdu son emploi. Son indemnité de cessation d'emploi, équivalant à une année de salaire, s'est peu à peu dissoute dans les dépenses courantes. Car les années suivantes ont été maigres.

«Depuis, à cause de son âge - il a 53 ans -, il n'a jamais réussi à retrouver du travail dans son domaine et il travaille comme conseiller dans un magasin à grande surface à un salaire de 21 000$», poursuit Nicole.

Pour sa part, ni son statut de travailleuse autonome ni ses revenus n'ont changé.

Non plus que sa maison, d'ailleurs. Pendant que le destin leur souriait encore, le couple a acquis une propriété qui est estimée aujourd'hui à 375 000$.

«Notre stratégie à l'époque était de la payer le plus rapidement possible», explique Nicole. Ils ont conservé les mêmes versements de 575$ toutes les deux semaines, mais pour y parvenir, Denis a dû retirer 40 000$ de ses REER.

«Ce fut peut-être notre erreur.»

«Nous savons que nous n'aurons pas les moyens de prendre notre retraite avant plusieurs années», poursuit la femme de 51 ans. À défaut, les deux conjoints envisagent de travailler à temps partiel après 60 ans.

Le couple, sans enfant, soupèse également l'idée d'une hypothèque inversée sur la maison, qui sera entièrement payée en 2015.

Assouplir le budget

La planificatrice financière Hélène Bronsard, vice-présidente chez Raymond Chabot gestion privée, observe d'abord que le budget du couple est hypertrophié au chapitre des dépenses de logement.

Tout compris, elles totalisent 24 000$ par année, soit 48,5% de leur revenu net de 49 500$. L'hypothèque à elle seule compte pour 30%.

«Pour une répartition financière plus équilibrée, on recommande un coût de logement entre 25 à 30% du revenu net», souligne Hélène Bronsard.

L'hypothèque inversée

Elle écarte d'emblée l'avenue de l'hypothèque inversée. Cette formule consiste en un prêt garanti par la propriété, que l'emprunteur ne rembourse, intérêts cumulés compris, qu'au moment de la vente de celle-ci.

«À 60 ans, ils seront trop jeunes pour effectuer cette transaction, soutient la conseillère. En effet, le pourcentage d'emprunt, d'un maximum de 40% de la valeur de la propriété, pourrait être aussi bas que 10%.»

En 2015, au moment où Denis espère ralentir, voire arrêter ses activités, la propriété vaudra environ 430 000$, en supposant une appréciation de 2% par année. S'ils la vendaient alors, ce capital permettrait l'achat d'une rente annuelle de 27 400$ versée pendant 20 ans.

Avec les rentes gouvernementales, les deux conjoints réuniraient à 65 ans un revenu net d'environ 40 000$. Il leur faudrait bien sûr un nouveau logement.

Hélène Bronsard leur propose une autre avenue. Aborder la retraite sans dette est un objectif hautement recommandable, que le couple, dans les conditions actuelles, atteindra dans sept ans.

Mais dans leur situation, il serait avantageux d'étaler l'amortissement sur 15 ans, afin, dit-elle, «de ramener le coût du logement à un niveau plus acceptable et dégager une meilleure latitude financière».

Cette stratégie abaisserait le paiement à 320$ toutes les deux semaines, ramenant les frais de logement à 36% du revenu net. Elle produirait ainsi un surplus budgétaire de 6000$ par année.

La moitié pourrait être consacrée à une cotisation REER supplémentaire effectuée par Nicole. Mais en raison des faibles déductions fiscales qui en résulteraient, il serait plus avantageux de déposer ces 3000$, dès 2009, dans le nouveau compte d'épargne libre d'impôt (CELI), où les épargnes seront à l'abri du fisc, et dont les retraits ne seront pas imposés.

Cette contribution annuelle de 3000$ procurerait en 2015 un capital de 23 700$, si on suppose un rendement de 4% par année. Si le couple prenait alors sa retraite, cette somme permettrait d'acheter une rente annuelle de 1510$ sur 20 ans.

La vente de la propriété, sur laquelle courrait encore un solde hypothécaire de 54 000$, y ajouterait une rente annuelle de 24 000$.

Les 3000$ restants serviraient à adoucir le quotidien. «À plus de 50 ans, fait valoir Hélène Bronsard, on prend conscience qu'il faut aussi profiter un peu mieux de la vie pendant qu'on est en bonne santé, tout en gardant le cap sur la sécurité financière à plus long terme.»

Cette plus grande souplesse budgétaire ajoute un bénéfice psychologique essentiel. Avec une plus grande latitude pour les loisirs et les activités de détente au cours des prochaines années, les deux conjoints trouveront peut-être plus facilement la motivation de poursuivre le travail après 60 ans.

En travaillant plus longtemps, ils accroîtront leurs épargnes de retraite, réduiront davantage leur solde hypothécaire... et demeureront plus longtemps dans leur maison.

«La vraie question est celle-ci, conclut la planificatrice: quel genre de vie préfèrent-ils?» Car d'autres avenues peuvent s'offrir: location d'une partie de leur maison, si elle s'y prête, ou déménagement dans un duplex.

Soumise au couple, l'idée de l'allongement de l'amortissement a été bien reçue. «C'est comme une fenêtre qui s'ouvre pour aérer un budget dans lequel on se sent étouffés et anxieux.»

LA SITUATION

Denis a perdu son emploi en 2002, et doit depuis se débrouiller avec un revenu amputé de 60 000$. Comment son couple peut-il gérer un budget restreint et une lourde hypothèque, à l'approche d'une retraite souhaitée à 60 ans?

LES PARAMÈTRES

Denis, 53 ans

Revenus : 23 000$

Dettes : aucune

REER: 24 000$

Contributions inutilisées : 90 000$

Aucun régime complémentaire de retraite

Nicole, 51 ans

Revenus : 40 000$

Dettes : RAP de 4500$ (échéance 2012)

REER: 41 000$

Contributions inutilisées : 44 000$

Aucun régime complémentaire de retraite

Actifs

Maison d'une valeur de 375 000$

Solde hypothécaire: 85 000$ (échéance 2015)

Épargnes non enregistrées : 12 000$

La suggestion d'Hélène Bronsard, planificatrice financière, vice-présidente, Raymond Chabot gestion privée

Plutôt que de maintenir un rythme de remboursement échevelé pour acquitter l'hypothèque en 2015, Denis et Nicole pourraient l'étaler sur huit ans de plus.

Ils pourraient ainsi épargner davantage et profiter un peu plus de la vie... ce qui diminuera peut-être l'urgence d'une retraite à 60 ans.