Les prix élevés n'ont pas encore fait chuter les ventes d'essence, mais ils jouent un mauvais tour aux détaillants. De plus en plus de consommateurs utilisent leurs cartes de crédit pour payer une facture toujours plus élevée, ce qui gruge leurs profits.

Les prix élevés n'ont pas encore fait chuter les ventes d'essence, mais ils jouent un mauvais tour aux détaillants. De plus en plus de consommateurs utilisent leurs cartes de crédit pour payer une facture toujours plus élevée, ce qui gruge leurs profits.

Les frais de crédit sont en effet un pourcentage de la valeur des ventes en dollars. Comme le chiffre d'affaires a explosé à cause de la hausse des prix du pétrole, la note est plus salée pour les détaillants.

Dans certains cas, accepter les paiements par carte de crédit signifie vendre à perte, surtout pour les plus petits détaillants. Par exemple, un petit détaillant indépendant qui vend 600 000 litres d'essence par année dégage normalement un profit d'exploitation de 5 cents par litre, selon les statistiques compilées par la Régie de l'énergie.

C'est 36 000$ par année. Si tous ses clients paient avec une carte de crédit, il devra payer en frais autour de 2% de son chiffre d'affaires qui, à près de 1,50$ le litre, atteint 900 000$. Dans ce cas précis, les frais s'élèveraient à 18 000$, c'est-à-dire la moitié de tout son profit d'exploitation.

L'industrie a commencé à réagir. «Il y a une tendance dans l'industrie à inciter les consommateurs à payer comptant», indique Martin Scallon, le porte-parole de la Coopérative fédérée, qui exploite un réseau de stations-service sous la bannière Sonic.

Le problème, c'est qu'avec la pile de dollars qu'il faut maintenant allonger pour payer un plein d'essence, peu de consommateurs peuvent se permettre de payer comptant, à moins d'être passés au guichet juste avant.

La carte de crédit populaire

Le recours aux cartes de crédit est aussi en augmentation en raison de la popularité des programmes de fidélisation, comme Air Miles, remarque pour sa part Carol Montreuil, de l'Institut canadien des produits pétroliers.

Selon lui, au moins 50% des ventes d'essence sont payées avec des cartes de crédit et même s'il n'existe pas de statistiques à ce sujet, on peut présumer que cette proportion est en hausse.

La réduction automatique de la marge de profit des détaillants à cause des frais de crédit est un facteur qui contribue à l'augmentation des prix à la pompe. Ainsi, hier à Montréal, le prix affiché était de près de 10 cents de plus que le prix coûtant pour un litre d'essence ordinaire, soit une marge beaucoup plus élevée que la marge moyenne de 6 cents le litre observée au cours des 12 derniers mois par la Régie de l'énergie.

La marge des détaillants est d'ailleurs en hausse constante depuis un an. De 4 cents le litre, elle est passée à 5 cents l'an dernier et à 6 cents depuis le début de 2008. Le dernier cent d'augmentation ne s'est toutefois pas retrouvé dans la poche des détaillants Il représente la redevance verte en vigueur au Québec depuis le 1er janvier dernier, qui a été refilée aux consommateurs.

Les détaillants québécois se plaignent que leur marge est mince, mais celle des détaillants américains l'est encore plus. Selon la firme Oil Price Information Service, les détaillants américains gardent 12 cents par gallon d'essence vendu, soit l'équivalent de 3 cents le litre.