Les porteurs d'obligations laissent encore la porte grande ouverte à un règlement à l'amiable avec BCE (T.BCE)... mais la facture sera beaucoup plus salée pour le conglomérat si jamais une entente intervient.

Les porteurs d'obligations laissent encore la porte grande ouverte à un règlement à l'amiable avec BCE [[|ticker sym='T.BCE'|]]... mais la facture sera beaucoup plus salée pour le conglomérat si jamais une entente intervient.

C'est ce qu'ont indiqué hier à La Presse Affaires les porte-parole des obligataires, qui viennent de remporter une victoire inattendue contre BCE en Cour d'appel du Québec.

«Il est clair que nos clients ont sans doute plus de pouvoir de négociation aujourd'hui qu'ils en avaient la semaine dernière», a souligné Markus Koehnen, procureur du Comité informel des porteurs de débentures en vertu de l'acte de fiducie de 1997.

La Cour d'appel a décidé mercredi soir de bloquer la vente de BCE à Teachers' et ses partenaires américains. Le tribunal estime que les droits des obligataires ont été bafoués, au profit de ceux des actionnaires.

Les porteurs de certaines catégories d'obligations - dont les géants Manulife, Sun Life et TD Asset Management - n'ont jamais digéré d'avoir été ignorés par le conseil de BCE quand la transaction a été échafaudée il y a un an. La valeur de leurs titres de dette a fondu d'environ 20% depuis l'annonce du rachat de Bell pour 51,7 milliards de dollars.

Les obligataires veulent être traités de manière «équitable», et la balle est plus que jamais dans leur camp. La position de faiblesse dans laquelle ils se trouvaient jusqu'à mercredi - avant de triompher en Cour d'appel - est chose du passé.

«Tout est possible à ce moment-ci, a dit John Finnigan, porte-parole de deux groupes d'obligataires. Nous avons tenté à plusieurs reprises de nous asseoir avec BCE pour discuter et, chaque fois, ils ont refusé. La Cour leur dit maintenant qu'ils doivent tenir compte de nos intérêts pour conclure la transaction, alors peut-être serait-ce un bon moment pour nous parler...»

Le conseil de BCE fait bien mauvaise figure dans toute cette histoire. Certaines sources estiment qu'il aurait pu «acheter la paix» dès le départ avec les obligataires, pour quelques centaines de millions de dollars. Une somme qui apparaît aujourd'hui bien mince, par rapport aux 3,7 milliards rayés de la valeur boursière du groupe dans la seule journée d'hier.

Plusieurs scénarios sont maintenant possibles. Selon divers analystes, BCE pourrait arriver à un règlement à l'amiable avec les obligataires, qui lui coûterait entre 500 millions et 1,3 milliard.

L'entreprise pourrait aussi racheter toutes les obligations émises en 1976, 1996 et 1997, au coût d'environ 5,2 milliards. Ou encore offrir un meilleur taux d'intérêt aux obligataires, pour tenir compte du risque plus élevé associé à une entreprise très endettée.

Toutes ces options entraîneraient sans doute une révision à la baisse du prix de vente de 42,75$ l'action proposé par Teachers' et ses partenaires. Plusieurs analystes parlent d'environ 39$.

Prétexte à l'avortement

Les obligataires insistent sur le fait qu'ils ne veulent pas faire dérailler le rachat de BCE, mais cherchent simplement à obtenir un traitement équitable pour leurs clients.

Toutefois, avec la crise du crédit qui s'amplifie aux États-Unis - et qui frappe de plein fouet les banques engagées dans le rachat de BCE -, la rebuffade infligée par la Cour d'appel du Québec pourrait constituer un prétexte idéal à l'avortement de la transaction, dit le procureur Markus Koehnen.

«Si les acheteurs veulent faire cette transaction, il y a plusieurs façons d'y arriver, a indiqué M. Koehnen. La vraie question est: veulent-ils encore la faire? Je crois que plusieurs banquiers sont très heureux aujourd'hui, car nous venons de leur enlever de gros maux de tête.»

Nombre d'analystes ont abaissé les chances de succès de la transaction Teachers'-BCE. La valse-hésitation des banques prêteuses au début de la semaine avait déjà ravivé les inquiétudes, et la gifle infligée avant-hier par la Cour d'appel pourrait avoir planté le dernier clou dans le cercueil, croient-ils.

«La privatisation de BCE court maintenant un risque élevé de ne jamais se produire», a indiqué Joseph MacKay, de Desjardins Valeurs mobilières, dans un rapport.

BCE a fait connaître mercredi soir son intention de porter la cause en Cour suprême. L'entreprise a ensuite demandé des directives à la Cour, hier, pour savoir comment présenter une demande accélérée.

Même si la cause est entendue par le plus haut tribunal du pays, il est presque certain que la transaction ne pourra être conclue comme prévu le 30 juin.

Une autre échéance approche à grands pas, rappelle Jeffrey Fan, de la firme UBS. Si le délai du 30 juin peut être étiré, l'entente qui oblige les banques à financer le rachat de BCE, elle, arrive à échéance en novembre prochain, écrit l'analyste. Dans six mois.

BCE a refusé de formuler des commentaires hier, tout comme les acquéreurs. «Nous révisons le jugement, nous évaluons nos options quant aux obligataires et demeurons déterminés à réaliser la transaction», a indiqué laconiquement Deborah Allan, porte-parole de Teachers'.

Les associés de Madison Dearborn et Providence Equity Partners, les deux coacquéreurs américains de BCE, n'ont pas rappelé La Presse Affaires.