Colin Campbell est bien conscient que sa décision sera contestée en Cour d'appel. Qu'importe, le juge croit qu'un plan de restructuration du papier commercial profitant à une large majorité doit s'affranchir de la «tyrannie d'une minorité».

Colin Campbell est bien conscient que sa décision sera contestée en Cour d'appel. Qu'importe, le juge croit qu'un plan de restructuration du papier commercial profitant à une large majorité doit s'affranchir de la «tyrannie d'une minorité».

Jeudi, en fin de journée, le juge de la Cour supérieure de l'Ontario a clairement donné son aval au plan de restructuration du papier commercial adossé à des actifs (PCAA). Depuis août 2007, les détenteurs de quelque 32 milliards de dollars de PCAA attendent que ce marché soit dégelé.

«C'est le temps d'aller de l'avant, il s'agit d'une situation unique où il faut considérer de plus grands enjeux que ceux qui affectent des parties qui croit foncièrement que le redressement de leur intérêts personnels doit prédominer», écrit le juge Campbell, dans une décision de 31 pages.

En plus des considérations particulières, le juge Campbell croit qu'il faut «rétablir la confiance dans le système financier au Canada et que ce plan est une utilisation légitime de la Loi pour y parvenir».

Cette restructuration en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers est sans précédent au Canada en termes d'importance et de complexité. Sur les quelque 2000 détenteurs de papier commercial, moins d'une centaine conteste le plan de restructuration, notamment Transat, Pomerleau et Ace Mortgage. Ces contestataires ont environ 2 milliards de dollars de titres, vendus en majorité par la Banque Nationale.

Essentiellement, ils s'opposent au plan parce que son adoption leur fait perdre leur droit de poursuite contre les banquiers qui leur ont vendu le papier. Les opposants auraient souhaité pouvoir poursuivre pour négligence ou fausse représentation.

En réponse à leurs doléances, le juge a demandé au comité de restructuration que le plan donne un droit de poursuite aux opposants. Le comité a fait amende honorable, mais uniquement pour des poursuites pour fraude bien définie, ce qui est beaucoup plus difficile à prouver.

Le juge s'est dit satisfait de cette modification et explique qu'il n'a pas le pouvoir d'amender le plan. Le comité qui en a âprement négocier les termes ne bluffe pas, dit-il: c'est à prendre ou à laisser.

La chute du plan mènerait à une avalanche de poursuites, explique essentiellement le juge. Par contre, son adoption donne aux contestataires les bénéfices de la restructuration en plus de la possibilité de poursuites pour fraude. Le cas échéant, les procédures de poursuites devraient être entamées dans les neuf semaines suivant le début des démarches de redistribution du syndic Ernst&Young.

En appel

Tel que prévu, les opposants en appelleront de la décision. En fait, ils demanderont à la Cour d'appel l'autorisation d'en appeler et ils sont confiants de l'obtenir. Ils espèrent ensuite obtenir une date d'audition pour le début juillet.

«Vraiment, le jugement me dépasse. Nous ferons la demande d'appel la semaine prochaine», a dit Allan Sternberg, avocat du prêteur hypothécaire montréalais Ace Mortgage. M. Sternberg dit avoir eu une téléconférence avec les avocats d'autres opposants, dont James Woods, qui appuie également les démarches d'appel. M. Woods représente notamment Transat, Jean Coutu et Pomerleau.

«Contrairement aux prétentions du juge, je crois que la Loi sur les arrangements avec les créanciers ne permet pas de retirer le droit de poursuite», dit M. Sternberg.

L'avocat est bien conscient des nombreuses poursuites qui pourraient découler d'un rejet du plan et de la moins-value qu'auraient alors les titres sur le marché secondaire. Néanmoins, il estime que les pertes pourraient être récupérées avec les poursuites.

Mais le chaos juridiques? «Les poursuites ne me dérangent pas. C'est le rôle des tribunaux de s'occuper des poursuites», a dit M. Sternberg.

Advenant l'acceptation du plan sans procédure d'appel, les nouveaux titres qui remplaceront le PCAA pourraient être émis aussi rapidement qu'à la fin juin. Ces titres auront une échéance qui s'étendra jusqu'à neuf ans, comparativement à quelques mois pour les anciens.

Ce faisant, les détenteurs de PCAA ne pourront jouir de leur argent durant de nombreuses années, à moins qu'ils les écoulent à rabais sur un marché secondaire.