Le verdict des experts est unanime: le CRTC approuvera la vente de TQS à Remstar. Tout au plus, l'organisme fédéral imposera au Mouton noir l'obligation de maintenir un service de nouvelles en région.

Le verdict des experts est unanime: le CRTC approuvera la vente de TQS à Remstar. Tout au plus, l'organisme fédéral imposera au Mouton noir l'obligation de maintenir un service de nouvelles en région.

Selon les experts consultés par La Presse Affaires, les nombreuses récriminations contre Remstar, qui veut abolir les bulletins de nouvelles à l'antenne de TQS, ne devraient pas empêcher l'entreprise des frères Maxime et Julien Rémillard de mettre la main sur le Mouton noir.

Le CRTC tient ses audiences sur la vente de TQS aujourd'hui à Montréal et demain à Québec.

«C'est déjà rare que le CRTC refuse un transfert de licence quand ça va bien, c'est encore plus rare quand ça va mal», résume Pierre Trudel, professeur en droit des médias à la Faculté de droit de l'Université de Montréal.

Même son de cloche du côté de Charles Moumouni et Pierre Bélanger, respectivement professeurs de communications à l'Université Laval et à l'Université d'Ottawa.

Le CRTC coincé

«Le CRTC est coincé, dit Pierre Bélanger. S'il n'accepte pas l'offre de Remstar ou s'il pose des conditions trop sévères, Remstar va se retirer.»

Pourtant, l'opposition contre Remstar est vive. Les députés de l'Assemblée nationale du Québec ont adopté une motion unanime exigeant le maintien du service de l'information de TQS, qui doit être complètement aboli en septembre. Encore la semaine dernière, Régis Labeaume, maire de Québec, faisait une sortie en règle contre les frères Rémillard. «Remstar, allez-vous-en chez vous, on ne veut pas vous voir ici», a-t-il dit.

Les syndicats des employés de TQS, qui s'opposent à la vente du réseau à Remstar, soutiennent qu'un réseau généraliste comme TQS a l'obligation de diffuser des bulletins de nouvelles. Sur ce point, les trois experts consultés par La Presse Affaires ne sont pas très optimistes pour les 260 travailleurs de l'information de TQS qui perdront leur emploi si le CRTC donne le feu vert à Remstar.

«Les bulletins de nouvelles traditionnels ne sont pas inhérents à la notion de télé généraliste, dit Pierre Trudel. Le CRTC a déjà autorisé un réseau généraliste à reconfigurer sa programmation de façon à marginaliser ses nouvelles. À Montréal, le CRTC a aussi permis la transformation de CKAC en chaîne à vocation sportive.»

Il y a toutefois un peu d'espoir pour les employés de TQS en région. «Le CRTC va probablement demander la sauvegarde d'un minimum d'information vitale en région, dit Charles Moumouni. Est-ce que l'information à TQS a la même importance à Québec qu'à Trois-Rivières ou au Saguenay? Peut-être pas.»

Pierre Bélanger est convaincu que le CRTC forcera TQS à maintenir un service d'information régionale sous une forme ou une autre. «Le CRTC va les forcer à garder ses pupitres régionaux pour interpréter les nouvelles du Saguenay, de la Beauce, des Cantons-de-l'Est, dit-il. Vous n'êtes plus obligés de faire des bulletins de nouvelles, mais vous allez expliquer à Mme Tremblay la signification des décisions du conseil municipal.»

Selon le professeur de communication à l'Université d'Ottawa, l'annonce du retour à TQS de deux personnages médiatiques controversés – le maire Stéphane Gendron et le docteur Pierre Mailloux – à la vielle des audiences du CRTC est une drôle de coïncidence. Une coïncidence qui pourrait s'avérer révélatrice de l'avenir de l'information à TQS.

Journalisme de maillage

«Au bout du compte, il y aura de l'information à TQS, mais ça ne sera pas de l'information traditionnelle, dit-il. Remstar veut faire ce que j'appelle du journalisme de maillage («linked journalism»). Tu surfes sur les nouvelles des autres parce que tu n'es pas capable d'en générer.»

Décision à la fin de juin

Le CRTC rendra sa décision sur la vente de TQS à la fin du mois de juin. Selon Pierre Bélanger, l'organisme fédéral n'aura d'autre choix que de signer l'arrêt de mort des bulletins de nouvelles à TQS. Ne bénéficiant pas des cotes d'écoute de TVA ni des fonds publics de Radio-Canada, le service de l'information de TQS est déficitaire d'environ sept millions de dollars par année.

«Si je ne fais plus de muffins aux tomates, c'est parce que les gens n'en mangent plus, illustre le coloré professeur. Surtout si mes tomates me coûtent cher. C'est triste, mais c'est comme ça.»