Il s'en est fallu de peu pour que les Québécois ratent la chance de goûter aux fromages de Fritz Kaiser.

Il s'en est fallu de peu pour que les Québécois ratent la chance de goûter aux fromages de Fritz Kaiser.

Avant de venir s'établir au Canada, le célèbre fromager de Noyan, au sud de Montréal, s'est fait offrir sur un plateau d'argent une fromagerie en Gruyère, dans sa Suisse natale. Mais le destin en a décidé autrement, si bien qu'aujourd'hui Fritz Kaiser est connu, à la manière d'une star, aux quatre coins du Canada.

Sur une base régulière, ce Zurichois d'origine expédie par la poste des meules entières de ses fromages. Certaines trouvent preneurs jusqu'au Yukon. La semaine dernière, un client des Rocheuses, en Colombie-Britannique, lui a passé une commande.

«Ce sont des compatriotes suisses ou des Québécois qui habitent ailleurs au Canada. Ils commandent du fromage par l'internet ou par téléphone. Emballés sous vide et expédiés dans des délais raisonnables, les fromages tiennent le coup», explique le plus simplement du monde Fritz Kaiser.

N'importe quel fana de fromage normalement constitué connaît la PME Les Fromages Fritz. L'entreprise de 25 employés produit une vingtaine de fromages, allant de la pâte molle à la croûte lavée. Ses produits vedettes sont le fromage à raclette et le Douanier, un fromage cendré qui a été déclaré Grand Champion au concours de la Fédération des producteurs laitiers du Canada.

Un pionnier

Fritz Kaiser serait, dit-il, pionnier au Québec, sinon au Canada, dans la fabrication de fromage à raclette. Il est le plus gros des petits fromagers du Québec, c'est-à-dire que son volume d'affaires dépasse celui de la majorité des fromageries artisanales mais qu'il n'est pas assez gros pour se comparer aux Damafro, Saputo et autres Agropur.

Les ventes de la PME dépassent les cinq millions de dollars. L'entreprise vend 90% de sa production au Québec et 10% dans le reste du Canada, de même que, à très petite échelle, dans l'est des États-Unis. Le fromager cherche maintenant à exporter davantage ses fromages fins. À l'issue du dernier Salon international de l'agroalimentaire (SIAL) de Montréal, Fritz Kaiser a fait connaissance avec des clients potentiels de New York et de Chicago, avec qui il continue à négocier.

Pourquoi le Québec?

Mais comment expliquer que M. Kaiser ait choisi le Québec plutôt que la Gruyère? «Parce que ma famille a acheté une ferme ici, dans la région de Lacolle, dans les années 70 quand j'avais 16 ans. Je ne suis resté que deux semaines, car je devais aller suivre mon cours de fromager-laitier en Suisse», dit-il dans un français teinté d'un accent germanique.

Or, c'est justement lors de sa formation en sol helvète qu'un vieux fromager de Gruyère, chez qui le jeune Fritz faisait ses stages, a pris l'apprenti artisan en affection. «J'étais comme un fils pour lui. Il voulait me donner sa fromagerie», se souvient M. Kaiser.

De retour au Québec, le jeune homme a à peine 20 ans. Mais, bille en tête, il sait qu'il deviendra fromager. «Ma famille et moi avions constaté qu'il y avait du potentiel au Québec», dit-il. Pour qui veut bien s'en souvenir, mis à part l'Oka des trappistes du même nom, le Cheez Whiz, les Singles de Kraft et bien sûr les fromages importés, le Québec avait peu à offrir au début des années 80 en matière de fromages.

Tout en travaillant dans le transport routier, Fritz se lance en affaires. À 22 ans, en 1981, il construit sa première fromagerie sur le chemin de la 4e Concession, entre Lacolle et Clarenceville. À la même époque, il fait la rencontre de Christin, Allemande d'origine, qui lui donnera quatre enfants et avec qui il bâtira sa PME. Dans sa première année, l'entreprise produit deux tonnes de fromage. «Aujourd'hui, on en produit deux tonnes par jour», dit Fritz Kaiser.

Depuis sa fondation, la PME a rendez-vous avec la croissance. Mais qu'on ne s'y méprenne pas: le maître fromager est tout sauf paresseux. En poste dès 5h, il termine rarement ses journées avant 17h. Bref, même si son entreprise se porte bien (sa croissance annuelle s'est toujours maintenue autour de 10%), l'artisan travaille encore entre 50 et 60 heures par semaine.

Au printemps dernier, la PME a mis la touche finale à un investissement d'un million de dollars. Dans la foulée, elle s'est dotée de deux nouvelles salles d'affinage et a plus que triplé la superficie de son magasin, où elle reçoit, en période de pointe, jusqu'à 800 clients par jour, dont plusieurs Américains.