C'est comme si nous étions blottis dans l'oeil du cyclone inflationniste mondial. À l'abri, mais pour combien de temps encore?

C'est comme si nous étions blottis dans l'oeil du cyclone inflationniste mondial. À l'abri, mais pour combien de temps encore?

Les prix ont grimpé au Canada de 0,4% de février à mars, portant le rythme annuel d'inflation à 1,4% seulement. Il s'agit du quatrième recul mensuel d'affilée du taux annuel d'inflation, indiquait hier Statistique Canada.

Au Québec, le taux s'établit à 1,3%, seulement. Les prix ont monté de 0,3% de février à mars.

Depuis un an, le prix des biens qui sont en bonne partie importés est en fait en baisse de 0,9%. L'inflation est concentrée dans la hausse de 3,3% du prix des services où la force du huard est sans effet modérateur.

Certes, le prix du pain a bondi de 14% depuis un an, les prix de la farine et des pâtes de plus de 20% en raison de la flambée des cours du blé. Le prix de l'essence aussi est en hausse de quelque 8%.

«Si beaucoup de biens et services qu'on se procure souvent sont plus chers, pourquoi l'inflation est-elle si faible? La réponse est dans les baisses du prix des articles qu'on achète moins fréquemment», explique Sébastien Lavoie, économiste chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

Le prix de l'équipement vidéo est ainsi en baisse de 14% depuis un an, celui des voitures de 7,1%, celui des meubles de 3%, fait-il remarquer.

L'agence fédérale souligne aussi la chute des prix des fruits et des légumes frais de 11% et 17% respectivement. En mars 2007, un gel avait détruit partiellement les récoltes de Californie et propulsé les prix.

Ce n'était pas le cas cette année. Quant au prix de la viande, il reste bas en raison d'une offre excédentaire des producteurs.

«La force du dollar canadien et la guerre des prix que se livrent les chaînes d'épicerie continuent à compenser le renchérissement mondial de l'énergie et de l'alimentation», note Stéfane Marion, économiste en chef adjoint à la Financière Banque Nationale.

Aux États-Unis, le taux d'inflation s'élève à 4%, dans la zone euro à 3,6%, en Chine à 8,7%.

L'inflation de référence, qui sert de baromètre à la Banque du Canada dans l'établissement de sa politique monétaire, a progressé le mois dernier de 1,3% seulement, son rythme annuel le plus faible en quatre ans.

«Qui plus est, la moyenne annualisée des six derniers mois est de 0,7% seulement», estime Jacqui Douglas, stratège chez TD Valeurs mobilières.

La Banque du Canada souhaite que le taux d'inflation évolue dans une fourchette de 1% à 3% avec pour cible 2%.

La tendance présente de l'indice de référence prépare le terrain pour une baisse du taux directeur, dès mardi. Mais de combien: 25 ou 50 centièmes?

Les experts sont partagés, comme en font foi les délibérations du Comité de politique monétaire de l'Institut CD Howe. Il s'agit d'un aréopage de 10 éminents économistes des milieux financier et universitaire.

Le compte rendu de leurs délibérations divergentes publié hier plaide en faveur d'une baisse de 25 points qui ramènerait le taux directeur à 3,25%.

Les marchés monétaires parient plutôt sur 50 points, d'où le repli important du huard jeudi contre le billet vert.

Les tenants d'une baisse plus prononcée font valoir que le ralentissement de l'économie américaine, la soif de liquidités du marché bancaire et la faible inflation donnent à la banque centrale la marge de manoeuvre nécessaire pour stimuler l'économie.

Les partisans de la prudence rappellent que bien des entreprises font face à des hausses de prix de leurs intrants qu'elles devront refiler aux consommateurs, que les bienfaits de la force du huard vont bientôt s'épuiser avec la stabilisation de son taux depuis le début de l'année.

«Avril ne sera pas un aussi bon mois que mars du côté de l'inflation. L'essence grimpe beaucoup, prévient Avery Shenfeld, économiste chez CIBC Marchés mondiaux. En 2009, quand l'effet de la baisse de la TPS sera passé, tout comme celui de la hausse du dollar, l'inflation trottera de nouveau à 3%.»

Comme une variation du taux directeur met de six à huit mois à se répandre dans l'économie, le présent desserrement monétaire ne pourra continuer longtemps.